L'univers des écrits de et sur Albert Londres






pour chaque article : illustrations, aphorismes "londresiens" et accès au Fac similé intégral du journal en pdf.


Terre d'ébène


Le reportage effectué en quatre mois par AL dans les pays de l'AOF et de l'AEF paraissent en 25 articles du Petit-Parisien du 11 octobre au 11 novembre 1928, sous le titre : "Quatre mois parmi nos noirs d'Afrique". Avec le point fort du scandale de la ligne Port-Gentil-Brazzaville qui décime près de vingt mille travailleurs, c'est l'ensemble du système colonial de la France qu'AL dénonce avec force, sous le couvert de récits pittoresques de ces braves populations que ses contemporains jugent naïves ou sauvages.

Albert Londres avait côtoyé nombre de Sénégalais pendant la grande guerre, les fameux "tirailleurs sénégalais" dont il louait la bravoure. Sa plume tient un autre lagage ici, il découvre le continent où habitent toutes les populations noires. Il les nomme de façon continue des nègres, formule de l'époque. Il décrit les différentes populations, fait des prtraits truculents de personnalités attachantes. Son ton se durçit lorsqu'il découvre la vériatble tuerie qu'est la construction du chemin de fer Congo-Océan. Le "matériel humain" remplace complètement l'équipement mécanique, et c'est la "fonte des nègres"




Le Petit Parisien 5 octobre 1928
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Le Petit Parisien 11 octobre 1928
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Le Petit Parisien 12 octobre 1928
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C'était Dakar
titre nouveau du livre
A notre droite : Gorée, l'île où les derniers négriers embarquaient les derniers esclaves sur un bateau qui s'appelait le Rendu. Le Rendu qui ne rendait jamais rien. Les passagers de notre paquebot étaient déjà casqués et en blanc. Depuis le matin, chacun prenait de la quinine. On aurait dit que l'on avait mis le ciel et la terre sous mica. La nature était congestionnée. C'était l'Afrique, la vraie, la maudite : l'Afrique noire. Le voyageur connaissait les sensations du pain que l'on enfourne.
Jadis les fonctionnaires coloniaux faisaient leur temps dans la même colonie. Aujourd'hui le maître les force à valser. Ils n'aiment pas cette danse. On s'embarque maintenant avec sa femme, ses enfants et sa belle-mère. C'est la colonie en bigoudis! Un porteur? Les nègres ne portent pas au Sénégal, monsieur, ils votent!
Appuyée à la grille du port, une vieille Ouolof fume sa pipe. Bonsoir! lui dis-je. Him! Him! répond-elle. Ce fut le seul salut de la terre d'ébène.



Le Petit Parisien 13 octobre 1928
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"Mon pied la route" ce titre du livre ne reprend pas celui de l'article, le texte est modifié
Il n'est pas recommandé de débarquer en Afrique crachant le feu, le diable au corps et des fourmis dans les jambes. Ce pays n'aime pas que chez lui on fasse le malin.
Le voyage noir commençait. J'allais prendre mon pied la route, comme disent les nègres, ce qui signifie partir. Les grands fleuves que l'on ne finit plus de remonter, les maisons de boue qui sont bien les plus vastes fabriques de chaleur en conserve signalées jusqu'à cette date. Ce serait de l'auto, du chaland, du chemin de fer, du cheval, du chameau, de la pirogue, du Decauville, du tipoye.
La traite des arachides terminée, les Sénégalais ont un peu d'argent : alors ils vont se promener. Ils vont jusqu'à cinquante, quatre-vingts, cent francs, suivant leur fortune. Ils se montrent à leurs connaissances. Ils sont fiers. Après, ils reviennent - à pied! Il faudrait emporter une caisse d'immortelles...et semer sur le parcours ces fleurs séchées. On serait sûr, de la sorte, d'honorer, à chaque traverse, la mémoire d'un nègre tombé pour la civilisation.
On ne peut dire que le Sénégal ressemble à un jardin botanique : il n'a qu'un arbre. C'est le baobab. Le baobab est un géant désespéré. Il est manchot et tortu. Regardez bien! C'est tout ce que nous avons pour ombrage. Dans un pays où nous aurions besoin d'ombre, voilà ce qu'on nous donne!



Le Petit Parisien 14 octobre 1928
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"Les tout nus" ce titre du livre ne reprend pas celui de l'article, le texte est légèrement modifié

Les historiens disent du pays qu'il se présente en forme d'auge. Le mot chaudron lui irait mieux. On y mijote. On y est sur le gaz comme un morceau de gîte à la noix dans son pot-au-feu. Hommes et femmes se tiennent tout nus avec infiniment de pudeur. Des femmes, parfois, croisent leurs bras sur leur poitrine quand vous les rencontrez, mais ce sont les vieilles !

Les hommes marchent, les femmes marchent, les enfants marchent, d'une jambe courageuse, d'un coeur sans détour. Naïfs qui traversent le Soudan de bout en bout pour une affaire d'héritage, une affaire de femme, mais surtout une affaire de rien du tout. Sans un sou, le boubou sur le dos, la calebasse vide sur la tête, gais (quand le nègre est triste, il meurt), ils traversent l'Afrique comme nous passons d'un trottoir à l'autre. Pas de pauvre chez les noirs. Ils pratiquent le vrai communisme.

Kita sera l'escale : grand centre, cinq blancs, dix mille noirs ! C'est la ville des griots et des griottes, de ceux qui chantent les louanges de leurs contemporains.









Le Petit Parisien 15 octobre 1928
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A Bamako

C'était l'odeur de beurre de karité. Aucun puits perdu, aucune bouche, soit d'égout, soit d'évier, ne vous donnera une idée de cette odeur-là.
Ah! les jolis rappports que les blancs entretiennent commercialement avec les noirs! Nous leur envoyons une camelote insoupçonnable même pour les habitués des anciennes boutiques à deux sous. Cela s'appelle officiellement de la marchandise de traite !
On voit monter et descendre en cadence l'instrument symbolique de l'Afrique entière : le long bâton à piler le mil.



Le Petit Parisien 16 octobre 1928
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Tartass ou le coiffeur à pédales
Eh! bonjour! monsieur le nouveau! Je suis Tartass. Pour bien comprendre la valeur que je suis, mesurez la distance qu'il y a du zéro que j'étais à la superbe situation qui est la mienne aujourd'hui. Allez vous promener et demandez à voir mes maisons. Elles sont cinq...Vous avez devant vous un coiffeur millionnaire.

C'était un homme mastoc, court sur pattes, fort en mollets, avec une figure comme un derrière de jument. On connaissait déjà le coiffeur de ville et le coiffeur de campagne. J'ai inventé le coiffeur colonial ! Je n'ai pas de boutique. Je suis le coiffeur à bicyclette, autrement dit le coiffeur à pédales. On me téléphone, une voix dit : "Tartass, montez à Koulouba tailler les cheveux de M. le gouverneur."" Ah! je suis centent! content! ne pas avoir peur des distances, voilà le secret de la réussite. Je vais opérer à Kayes, à cinq cents kilomètres de ma résidence.

Vous pouvez apprendre la nouvelle : je me présente aux élections. Je brigue le poste de délégué colonial du Soudan et de la Haute-Volta au conseil supérieur des colonies. Les plus hautes personnalités de Bamako forment mon comité. Ce sont elles qui sont venues me trouver et m'ont dit : "Tartass, il nous faut un drapeau." Alors, je me suis déployé.







Le Petit Parisien 17 octobre 1928
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Le moteur à bananes
(titre ajouté dans le livre, article légèrement modifié, intertitres supprimés)
L'esclavage, en Afrique, n'est aboli que dans les déclarations ministérielles d'Europe. Il y en a toujours. Il n'y a même que cela ! On les appelle : captifs de case. En langage indigène, ils répondent au nom de ouoloso qui signifie : naître dans la case. Ils sont la propriété du chef, tout comme les vaches et autres animaux.
Quand les nations d'Europe ont suprimé la traite (officiellement) les esclaves sont restés où ils étaient, c'est-à dire chez leurs acheteurs. Ce sont les nègres des nègres. Les maîtres n'ont plus le droit de les vendre. Ils les échangent. Surtout ils leur font faire des fils. L'esclave ne s'achète plus, il se reproduit. C'est la couveuse à domicile !
Qui dit blanc dit, ici, administration. L'administration est le moustique du nègre.
C'est le captif qui, pendant des jours, arpente la savane, trente kilos de manioc en charge, suivi de ses femmes et ses enfants, lamentable kyrielle pour ravitailller les chantiers de la civilisation ! Un camion ferait beaucoup mieux l'affaire. Mais l'essence revient à des prix fous, tandis qu'il y a beaucoup de bananiers. Lui, c'est le moteur à bananes!



Le Petit Parisien 18 octobre 1928
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C'était entre 1880 et 1900
(titre ajouté dans le livre, article légèrement modifié à la fin, suppresion de l'allusion à Joffre, intertitres supprimés)


Le Petit Parisien 19 octobre 1928
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Les métis
(titre ajouté dans le livre, intertitres supprimés)
Les métis! Les mulots! Les tout-petits têtent leur négresse de mère. Le père est là ou n'y est pas. C'est un fonctionnaire, un commerçant, un officier; c'est un passant. Le colonial apprit la chose en route, gentiment, à sa femme, elle accueille l'enfant pendant les séjours. Dès quelle a des bébés blancs, le petit mulot repasse la porte. Pauvres mulots ! Les fils de leur mère, qui sont noirs, ne sont pas leurs frères; les fils de leur père, qui sont blancs, ne sont pas leurs frères. C'est peut-être pour cela, parce qu'ils ont tant cherché à comprendre, qu'ils ont tous de si grands yeux ?
L'école en fait moralement des Français, la loi les maintient au rang de l'indigène. La loi leur interdit de porter le nom de leur père.



Le Petit Parisien 20 octobre 1928
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Chez le dieu de la brousse

La brousse est un champ sans fin, non planté d'arbres, mais, semble-t-il, de martinets le manche en terre et les brins épanouis en fusée. Soudain, après deux cents kilomètres, barrant la route : une maison. Le locataire est un administrateur. Les nègres l'appellent : "ma commandant." Cent nègres sont toujours accroupis autour de ces résidences

Que veulent-ils ces oiseaux-là? J'allais le savoir. Béma appela. Tous se levèrent. Le premier entra. "Allez! explique ton palabre, dit le commandant...

La justice en brousse n'a pas de palais. Elle n'a pas de juges non plus. Elle pourrait avoir un chêne ? Il n'y a pas que des fromagers ! La justice, c'est le commandant. Le commandant est un homme universel.







Le Petit Parisien 21 octobre 1928
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Chez le dieu de la brousse (bis)
(titre ajouté dans le livre)





Le Petit Parisien 22 octobre 1928
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Tombouctou
Il ne nous semble plus, maintenant, que nous ne percevions que de l'ombre. Tombouctou va apparaître. Pas de route pour aller à Tombouctou. On chevauche à travers les arbres comme un dieu sylvestre. Les branches des arbres vous piquent, vous regardez ce qu'elles ont : des cure-dents. Dans ce pays qui ne vous offre rien à manger, les arbres ont des cure-dents !
On a parlé des terrassses de Tombouctou. On a bien fait. Cependant, ne vous montez pas l'esprit, ces terrasses sont sans fleurs, sans jets d'eau. Ce sont les plafonds des casses sans toit. Elles ne sont pas de marbre, mais de boue. De la terre mise en cube, voilà les maisons. C'est aussi un marché.C'est la ville sans race. Ici, ce ne sont pas les blanscs qui ont laissé leurs métis, mais les Arabes, les Touarregs, les Tout-noirs.
Qu'ont donc les blancs contre la cité fameuse ? Tous y sont allés pour voir le mystère, et paraît-il, ne l'ont point vu. Le mystère ne s'y voit pas, mes amis, il se sent.
Pour la première fois, depuis mon départ, je goûtais le plaisir de marcher. Tombouctou vous accompagne, vous parlant sans cesse du haut de ses petites ruines. C'est le silence le plus éloquent de l'Afrique.


Le Petit Parisien 23 octobre 1928
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Yacouba le décivilisé




Le Petit Parisien 24 octobre 1928
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Un soir sur le Niger



Le Petit Parisien 25 octobre 1928
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Le nègre n'est pas un turc (titre ajouté dans le livre, intertitres supprimés)
Ah! les belles routes! On ne peut rien imaginer de mieux. Je ne plaisante pas. Elles sont d'autant plus remarquables qu'elles ne nous ont pas couté un cauti. On n'a dépensé que du nègre ! Sommes-nous donc si pauvres en Afrique noire ? Pas du tout ! le budget du gouvernement général possède une caisse de réserve de je ne sais combien de centaines de millions ! Caisse de réserve? Expression scandaleuse pour un pays neuf. D'où vient l'argent? De l'impôt que verse chaque nègre et des droits de douane que paient tout lemonde. Le Dahomey, le plus petit morceau de cette galette, avoue cette année soixante-deux millions de recettes. On lui abndonne vingt millions pour ses besoins. Dakar (le gouvernement) prend quarante-deux millions.
Qu'est-ce que le nègre? Le nègre n'est pas un Turc, comme l'on dit. Il n'est pas fort. Parfois, dans les camps, les prestataires meurent comme s'il passait une épidémie. Où nous devrions travailler à peupler, nous dépeuplons. Serions-nous les coupeurs de bois de la forêt humaine ?



Le Petit Parisien 26 octobre 1928
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Au pays du poussi-poussi (titre ajouté dans le livre, intertitres supprimés)

Ouagadougou! tenez! je préfererais ne pas vous parler de cette ville. Ce n'est pas une ville, c'est un champ de manoeuvres. On l'imagine très bien en proie à des charges de cavalerie. L'aspect est à ce point séduisant que l'on doit se retenir pour ne pas crier au secours ! Ici, dans un coin, habite le dernier roi nègre, le Morho Naba, empereiur des Mossis. L'amour de l'euphonie ne nous a pas uniquement guidés quand nous avons installés la capitale à Ouagadougou, mais aussi la présence du Morho Naba. Ouagadougou est une ville dans la lune. C'est sur la route de rien du tout. Je rentrais pour me coucher. Immédiatement je comprenais ce que pouvait ressentir un poulet de grain que l'on mettait au four.
Le Mossi! Royaume peu ordinaire. Les mariages? Les cérémonies accomplies, Le mari ne lui reconnaît qu'un droit : celui de crier. La femme devient une bête de somme.



Le Petit Parisien 27 octobre 1928
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Sa majesté (titre ajouté dans le livre)
Naba Khôm n'est pas un roitelet. C'est le dernier empereur d'Afrique. Sur trois millions d'habitants au pays mossi, quinze cent mille le suivraient. Ses soronés le suivent. Ce sont de jeunes garçons, de huit à quinze ans, choisis parmi les plus jolis. Ils sont jour et nuit, attentifs à ses gestes. Naba Khôm est revêtu d'une lévite de velours lie-de-vin lamée. Ses cuisses sont certainement énormes, il marche comme un éléphant... On se regarde. Nous avons l'air intelligent !



Le Petit Parisien 28 octobre 1928
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Ö blancs mes frères! (titre ajouté dans le livre)
Le blanc? L'Afrique muette n'est qu'un terrain de football. Deux équipes, toujours les mêmes, blanches toutes deux; l'une porte les couleurs de l'administration. L'autre les couleurs de l'homme d'affaires. Le nègre fait le ballon. La lutte autour du ballon est farouche.
J'arrivais à Bobo-Dioulasso. C'est un carrefour de l'Afrique nouant le Soudan, la Haute-Volta et la Côte d'Ivoire. Les rues ne sont pas dans les maisons, mais à l'intérieur. Elles passent de la cuisine de l'un à la case à coucher de l'autre. Les époux n'ont plus à se poser la triste question : est-ce que l'on sort? est-ce que l'on rentre? On est à la fois sorti et rentré, dehors et chez soi, et quoique l'on passe toutes ses nuits sur la voie publique, on ne découche jamais !
Le sang bouillant d'une juste indignation, l'apostrophe aux lèvres, le coeur en pleurs, je regardais, furibond, les femmes à plateaux... Nous leur interdisons de donner leurs captives aux caïmans, alors pourquoi les autoriser à changer leurs femmes en canards ?



Le Petit Parisien 30 octobre 1928
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Fait divers (en début d'article, ce court texte -un couple blanc se suicide- a été ajouté dans le livre en remplacement d'un exposé des portages avec une plaidoierie pour faire amener des camions, totalement supprimé)

Marché au coton (titre ajouté dans le livre)
Tout un village, sacs sur la tête, enfants dans le dos, est en marche vers le marché au coton. Allez! allez! grouillez, tas de sauvages ! Fort d'une autorité qui le fait l'égal des anciens rois nègres le tirailleur confond dans son cerveau les pouvoirs qu'il représente avec ceux qu'il se donne. Ceux qui apporteront du mauvais coton attraperont, comme de juste, quelques jours de boîte. Ils se dépêchent !

Coupeurs de bois
(titre ajouté dans le livre, un certain nombre de passages du reportage ont été supprimés dans la version éditée, ils font mention des procédés utilisés pour recruter de la main-d'oeuvre en allant dans les villages de la brousse ramener des "captifs")
Le recrutement de la main-d'oeuvre se maquignonnait par ici. Pour le chemin de fer et les travaux d'Etat, le recrutement est officiel; il n'est que toléré pour les coupeurs de bois. C'est l'un des drames de l'Afrique. Les capitaux se défient des affaires coloniales et le Français, dans ses plus riches mines d'or, travaille encore à la petite semaine ! Nous n'avons, nous, que le moteur à foutou (le nègre) !
C'est ici, c'est la forêt. Si le noir y souffre, le blanc aussi. La vie de chef de chantier est une terrible aventure. Les forêts de la Côte d'Ivoire ne sont pas des buts de promenade, mais des lieux grandioses et sournois où de la décomposition des feuilles s'élève le parfum de la mort. Comme le nègre, le blanc vit là dans le poto-poto. S'il mourait, il devrait s'enterrer lui-même.



Le Petit Parisien 31 octobre 1928
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La forêt qui parle

Dire qu'il est des intrépides qui vont, en partie de plaisir, déjeuner dans les grands bois ! Il est vrai que cela se passe en France. Ici l'on ne se sent pas bien. Dans l'effort, les hommes-chevaux sont tout en muscles. Ils tirent, tête baissée. Une dégelée de coups de manigolo tombe sur leur dos tendu. Le sang de leurs pieds marque le passage...Que voulez-vous, pénible à dire, mais la machine ne peut remplacerr le nègre. Il faudrait être millionnaire. Le moteur à bananes, il n'y a rien de mieux. D'aileurs, seul le nègre peut marcher dans le poto-poto



Le Petit Parisien 1 novembre 1928
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Au kilomètre 125(titre ajouté dans le livre
Vous allez à Céchi, chez les coupeurs de bois? Il y a de tout, parmi eux : des écrivains, des anciens jockeys, mais pas de coupeurs. Un noir vient et leur dit : "j'ai trouvé cinquante acajous" Ils saccagent tout le reste pour avoir les cinquante acajous. C'est un massacre. Ils esquintent la nature et le nègre.
Un par un, des noirs, éreintés, rentraient du chantier. C'était la fin du mois, jour de paie. Zié a gagné 77 francs dans son mois. Le patron a payé 88 francs d'impôt : 40 pour la capitation, 48 de rachat de prestation. Zié doit 11 francs!..Un mois de souffrance dans la forêt et pour salaire une dette? L'organisation du travail laisse peut-être à désirer, en Afrique ?



Le Petit Parisien 3 novembre 1928
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Mon boy
Il s'appelait Birama. Je l'avais pris à la prison de Bamako. En désignat un prisonnier, je dis :"je prends celui-là. Il n'a pas l'air très fort; s'il m'attaque, je pourrai me défendre. On n'aurait pu trouver plus nègre que Birama."
Les catalogues de nos grands magasins inondent l'Afrique. Les sacs sont adressés à MM. les interprètes, le chef des gardes, le chef de canton, les élèves des écoles. Et l'on dit que le commerce français n'est pas astucieux !


Le Petit Parisien 4 novembre 1928
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Le roi de la nuit
Le roi sortit un grand mouchoir, s'en voila le visage et, derrière ce paravant, il but. Quand il s'abreuve ou se nourrit, personne ne doit contempler la royale face.

Je descendis dans Porto-Novo. Ce n'est ni un amas de cases, ni une cité européenne. De tous les noirs, les dahoméens sont les plus civilisés. Porto-Novo fut tracée et construite par eux.br>
Les Dahoméens sont les seuls indigènes de l'Afrique française qui se soient mis dans leurs meubles.











Drame dahoméen
(C'est un chapitre nouveau ajouté au livre, une histoire rapportée du retour de France du cercueil d'un roi dahoméen et des prégégrinations d son fils, diversion pour faire passer la réalité d'un tout autre "drame"?)

Retour au Gabon
(C'est un chapitre nouveau ajouté au livre, le récit du retour vers Libreville)




Le Petit Parisien 6 novembre 1928
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Le drame du Congo-Océan
L'équateur est franchi. Ce n'est plus l'AOF mais l'AEF. C'est le Congo. Cette ville future devrait s'appeler Pointe-Silence ! Pointe-Noire sera notre port de demain. Demain cinq cent deux kilomètres de voie ferrée relieront Brazzaville, notre capitale, à Pointe-Noire, notre débouché. Demain! Mais aujourd'hui? Aujourd'hui il faut parler. La France a le droit de savoir. Un drame se joue ici. Il a pour titre Congo-Océan.
M. Antonetti, reprenant le cri de M. Augagneur, lança : "Debout. On va faire le chemin de fer, continua M. Antonetti. M'avez-vous bien compris? Tout le monde dormant à moitié, personne n'avait compris. M. Antonetti commanda : "en route" Ce furent des somnambules qui obéirent! Un contrat fut passé avec une compagnie de travaux publics. On lui donnerait huit mille hommes, elle assurerait l'entreprise. Cette compagnie s'appelait les Batignolles.

Les recrutés embarquaient sur des chalands, contemporains de notre conquête. Trois cents par trois cents, on entassait la cargaison humaine dessus et dessous. Les voyageurs de dessous étouffaient, ceux de plein air ne pouvaient se tenir ni debout ni assis - chaque jour il en glissait un ou deux dans le sari, dans le Congo. Et c'était Brazzaville, il en arrivait deux cent soixante ils restaient sur la berge! On n'avait pas encore prévu de camp! La sagesse, la juste compréhension de l'effort à fournir eussent commandé de mettre ces hommes sur le chemin de fer belge, moyen qui les eût, en trois jours, amenés aux Batignolles.

Ici, que du nègre. Pour porter les barils de ciment de cent trois kilos, "les Batignolles" n'avaient pour tout matériel qu'un bâton et la tête de deux nègres! Epuisés, mal traités par les capitas, loin de toute surveillance européenne, blessés, amaigris, désolés, les nègres mouraient en masse. C'était la grande fonte des nègres! Les huit mille hommes promis aux "Batignolles" ne furent bientôt plus que cinq mille, puis quatre mille, puis deux mille. Puis dix-dept cents ! Il fallut remplacer les morts, recruter derechef. A ce moment, que se passa-t-il ? ceci : dès qu'un blanc se mettait en route, un même cri se répandait : "la Machine". Tous les nègres savaient que le blanc venait chercher des hommes pour le chemin de fer : ils fuyaient.

On en arriva aux représailles. Des villages entiers furent punis. Le matériel humain recruté dans ces conditions n'était plus de première qualité. Le déchet augmenta. Les chalands auraient pu s'appeler des corbillards et les chantiers des fosses communes.
Il faut accepter le sacrifice de six à huit mille hommes, disait M. Antonetti, ou renoncer au chemin de fer. A ce jour, il ne dépasse pas dix-sept mille. Et il ne nous reste plus que trois cents kilomètres de voie ferrée à construire !



Le Petit Parisien 8 novembre 1928
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Les pionniers vivent sous le phare. Ils parlent de Paris, ce qui prouve que le moral est bas. Dès que deux coloniaux discutent sur le nombre de kiosques plantés entre la Madeleine et l'Opéra, c'est que le cafard est en bonne santé ! Le phare tourne, le cafard tourne, le phonographe tourne. Seul l'air est immobile !
De Pointe-Noire j'allais gagner Brazzaville et voir comment on continuait le chemin de fer. Mes vingt-sept Loangos sont là. Ils ne sont pas grands, pas forts. C'est moi qui devrait les porter! ils chargent les caisses de conserves sur leur tête, ils présentent le tipoye. C'est la pemière fois que je monte dans un instrument de cette sorte. On descend aux montées, sur les pentes savonneuses, mais on regrimpe dans l'appareil pour traverser les marigots. Là, trois cents nègres des "Batignolles" frappaient des rochers à coup de marteau. Les capitas et les miliciens tapaient sur les Saras à tour de bras. Et les Saras, comme par réflexe, tapaient sur les rochers!

Et j'arrivai à la montagne de savon. Les porteurs montaient toujours avec trente kilos sur la tête, les doigts de pied habiles, le buste droit. Leur fatigue ne se voyait pas. Le nègre est une extraordinaire machine, dure à la peine et fragile à la base. Deux cents nègres étaient accroupis le long d'un gros arbre abattu. C'était une pile de pont. Ni cordes, ni courroies, les mains des nègres seulement pour tout matériel. La pile n'avançait pas...Il y eut un temps d'arrêt et la danse recommença. Je fis arrêter le travail du seul droit que j'étais blanc. Et je signais sept bons pour l'hôpital, du moins ce que l'on appelle ainsi, comme si j'avais été médecin!


Le Petit Parisien 9 novembre 1928
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Mettons que les nègres soient atteints de la maladie de la Machine! Nous connaissions la réccurrente, le vomito negro, la bilieuse. Entre Pointe-Noire et Brazzaville vient d'éclater la "machinite" ! Dans dix sacs on coucha dix Saras chancelants. On accrocha ces sacs à un bâton. On chargea chaque bâton sur l'épaule de deux Loangos. Les moribonds partirent ainsi vers M'Vouti. Commandant! Loangos foutu Satras par terre, Loangos cavalés...Les pauvres Saras geignaient les uns sur les autres. La vie des survivants était toute dans le blanc de leurs yeux. Putain d'Afrique!

Je revoyais tout. Les blancs épuisés, dont la seule affaire était de finir leur contrat. Je revoyais le désarroi des chantiers, la petite barre à mine attaquant les rochers géants, le Saras ne pouvant plus soulever la pelletée de terre; les contremaîtres noirs impitoyables...
Je pensais qu'entre octobre 1926 et décembre 1927, trente mille noirs avaient traversé Brazzaville pour la machine et que l'on n'en rencontrait que dix-sept cents entre le fleuve et l'Océan!




Le Petit Parisien 11 novembre 1928
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Epilogue
Quelques réflexions après le voyage

(ce titre n'apparaissait pas dans le reportage qui comprenait un chapitre intitulé "Conclusions d'une enquête. REVEILLONS NOTRE AFRIQUE NOIRE".
Albert Londres dût entièrement le réécrire compte tenu des réactions violentes qu'avaient provoqué son contenu violemment critique de l'attitude colonialiste de la France)

article paru janvier 1929 dans l'Hebdomadaire "VU"

VU 16 janvier 1929
fac-similé de l'article page 1


  
Le bateau qui m’emportait vers l'Equateur s'appelait l'Europe, une très petite vieille chose fort ancienne qui avait bercé, pour le moins, trois générations de coloniaux. J'étais sur le pont parce que l'on ne peut toujours être au bar, surtout quand on a beaucoup plus de brûlure d'estomac que de chagrin !
Un homme à la figure triangulaire s'approcha de moi, toucha son casque et fit : Je suis un ami de Philippe Lallemand. Il m’a signalé que je vous rencontrerais sur ce chemin. Salut ! Il me dit venir directement de Monte-Carlo. Autrement, ajouta-t-il, je serais encore en possession de quatorze mille francs, de quoi vivre quatre mois à la métropole. Mais bah! je repars dans l'administration, et je vais me faire chasseur d’éléphants. Je me nomme Rass. A tout à l’heure.
Il semblait autant fait pour chasser l'éléphant que moi pour jouer du flageolet. Aussi, croisant l'homme un moment après : Vous avez de beaux fusils, lui demandai-je? — Pourquoi faire? répondit-il. Je laissai dormir les éléphants. Ce Rass avait toujours un crayon à la main. De temps en temps il tirait une vieille enveloppe de sa poche et, pendant deux ou trois minutes, écrivait dessus.
Impression de voyage? Non ! Une fois il me tendit la chose. Je lus :
Un jour que je sortais gaiment
De la cantine
Lorsque j’étais au régiment...
Je vis l’étoile matutine !
Il en faisait une dizaine comme cela chaque après-midi; ramenant tout à des quatrains, à des distiques, même sans la collaboration de Mac Orlan. Un phonographe jouait-il : Si mes vers avaient des ailes, de Raynaldo Hahn? Il composait :
Si les vaches avaient des ailes
On les verrait dans le ciel bleu
Taquiner du bout de leur queue
Le fin museau des hirondelles.
Une heure plus tard, il venait vous montrer qu'il avait ajouté un vers. C'était :
Les vaches n’ont que des mamelles.

L'approche du Gabon changea le ton de sa poésie. Il conseillait à tous les jeunes coloniaux de ne pas s'arrêter au Gabon et le quatrain se ter¬minait ainsi :
Reste plutôt toute la vie un vagabond!
Le lendemain l'Europe jetait l’ancre devant Libreville. C’était le Gabon. Rass n’écrivait plus. Du bateau il regardait le pays. Ça ! me dit-il, c’est l’église ; un peu plus haut c'était notre maison et par derrière : le cimetière.
Il avait habité ici, avec une Gabonaise. Les Gabonaises sont aux gens d’Afrique ce qu'autrefois les Japonaises étaient aux Extrêmes-Orientaux ; les petites alliées. On les commandait, elles venaient vous trouver au Congo, au Dahomey, plus loin...
— Moi, dit Rass, j’étais dans l'Oubangui Chari. J’avais envoyé des fonds à un camarade et lui avais dit : expédie-m'en une. Deux mois après, un soir, au club, alors que je ne pensais plus à ça, on vit arriver une fille d’un autre pays, vêtue comme le serait un singe de foire et juchée sur des talons Louis XV. Elle regarda les hommes et dit : « Moi venir trouver Missié Ass ». Rass ! c’est ta Gabonaise, crièrent les gens du Club.
Eh bien ! approche, fis-je. Elle s’avança, me salua et dit : Voici ton femme. Cela commença ainsi et dura huit ans. Elles me l'ont empoisonnée ! Qui? — Eh ! les vieilles matrones parce que la petite ne voulait pas quitter son blanc. Ce fut lent ! Je l'ai vue deux mois durant descendre sa vie. Elle disait : je vais mourir, mais je laisserai ton linge bien en ordre. On n’oublie pas une Gabonaise. Je n'ai jamais remis le pied à Libreville, depuis.
Débarquez avec moi, Rass, vous me ferez visiter le pays. Eh bien ! oui ! je débarque cette fois ! Les villes coloniales de la côte ressemblent à ces bergeries pour enfants, moins les moutons ; quelques maisons mises n'importe où, quelques arbres, quelques personnages. Rass me conduisit tout de suite à l'église. Il n'y avait personne. Nos saints et nos saintes éprouvés sans doute par le climat avaient perdu leurs couleurs. Jusqu’au bleu de la ceinture de Notre Dame de Lourdes qui était maladivement pâle. Rass négligea les chaises des premiers rangs, gagna l’un des bancs du fond, chercha un peu, s’arrêta et dit : C’était sa place ! Et là, debout, casque à la main, il ferma les yeux. Priait-il? Ses pensées étaient-elles profanes? De la roulette de Monte-Carlo à cette église sous l’équateur ! L'homme revint sur terre, me rejoignit et dit : Aucun médicament n’aurait pu la sauver, aucun ! Pourtant, j'ai tout tenté !
Nous quittâmes l’église. Rass m’emmenait vers leur maison. Une Gabonaise suivie d'un nègre qui avait l'air de vouloir la placer aux nouveaux débarqués s'en allait sur ses hauts talons, ses jambes noires dans des bas de soie jaune et balançant à travers une robe rose tendre, un corps sinon à vendre, du moins à louer, en tout cas nullement à dédaigner. N’y touchez pas ! fit Rass. J ’ai trop d’amitié pour vous. Quand on y va, on n’en revient plus.
Et comme se parlant à lui-même : Elle remontait tous les jours par ce chemin venant du marché à notre maison et quand son porteur déposait ses achats sur la table, elle me disait : Le meilleur du marché pour le meilleur de mon cœur ! Et les jours du courrier de France ! Voila des fleurs de ton pays, murmurait-elle, je sors, pour que tu puisses mieux les respirer. Rass ne sentait plus l'écrasante chaleur. Il pressait le pas, marchant à l’assaut de son passé.


VU 16 janvier 1929
fac-similé de l'article page 2

     
Encore un peu plus haut et c’est notre maison, vous allez voir ! Oh ! fit-il, s’arrêtant devant un mur, il était commencé voilà huit ans et il n’est pas encore achevé ! Et se retournant : Voilà ! c’était ici. La petite était à cette fenêtre et me voyant venir, elle me criait de loin : Vao ! Vao! Cela ne voulait rien dire, c'était un cri à elle.
Une vieille négresse attirée par le bruit des voix mit sa tête grise à l’une des fenêtres. Rass demeura figé en la voyant. Et de plus, fit-il, elles ont occupé la maison !
- Bonjour ! Missié Rass, bienvenue !
- Alors, c’était pour avoir la maison, vieille sorcière ?
- Bienvenue !
- Vieille guenon !
- Ti peux entrer si ti veux.
- Vieille corneille !
Redevenant nègre de la côte, Rass cracha pour mieux ponctuer son mépris
"Alors, Urope ramène-toi?" Rass m'entraîna. Il frissonnait. "Vous comprenez, je n'étais pas riche, ses tantes — et le vieux magot de la fenêtre, en est une — auraient voulu tirer meilleure partie de la petite. Elles ont comme cela hérité de la maison et des frusques. Mais qu'ont-elles bien pu lui faire avaler ?"
— Ah ! ti vas au cimetière ?
La vieille, de ce cri accompagnait notre marche.
— Y va au cimetière ! au cimetière ! au cimetière !
— Voyez-vous, fit Rass, le nègre ou c'est à protéger ou c’est à étrangler ! La promenade était pénible. On n'éprouve aucune volupté à se dégourdir les jambes dans ce pays. J’aurais bien voulu m’asseoir quelque part, et boire, boire. On allait au cimetière. Je n'aurais pas dû descendre, disait Rass ; maintenant elle m'attire, je vais encore où elle veut. Demandez à tous ceux qui ont eu des Gabo¬naises, demandez! Je l'aurais très bien emmenée en France.
On arriva à la terre des morts. Rass chercha sa tombe. Il avait bien fait poser des briques autrefois, mais les tornades avaient dû arranger la chose à leur manière depuis le temps... Il trouva le lieu où dormait son équatoriale. Je m'accroupis sur une tombe à côté. Elle n'était pas née sur le littoral mais dans la forêt, rêvait-il tout haut. Il garda pour lui le secret de cette différence. Comme j’avais l'air fatigué : Nous avons fait beaucoup de chemin pour venir la voir au cimetière, elle en avait fait davan¬tage quand elle vint me trouver dans l'Oubangui-Chari.
Un moment passa : - Voyez ! me dit-il, elle est encore toute dans ma pensée. Quelque chose était écrit sur les briques, j’avançais la tête.
A ma Gabonaise
fit Rass, simplement. Il ajouta : J’aurais pu faire graver aussi : Esprit sans ombre, cœur sans mensonge.
L'Europe siffla son premier coup. Nous n’étions pas pour le Gabon mais pour le Congo. Je me redressai. Nous filâmes. Au bas de la côte, à l’entrée du chemin conduisant à l’appontement, un nègre, en nous voyant, leva les bras et courut dans notre direction.
- Ah ! Zean, fit le nègre, s'arrêtant devant Rass.
- Mon petit Pierre, fit Rass, étreignant le nègre.
Le nègre expliqua qu'il avait su que l'Europe avait amené Rass et que depuis trois heures, il lé cherchait. Je les laissai.
La chaloupe de retour s’impatientant, je criai :
- Eh ! Rass ! C’est l'heure.
Le blanc et le noir me rejoignirent.
- Fais-moi vinir, disait le noir à Rass.
Les deux amis se séparèrent,
La chaloupe nous emporta. - Oui ! sitôt installé, répondit Rass à l'autre, resté à quai. Au revoir, petit Pierre.
- Fais-moi vinir, Zean ! Zean !
Rass ayant cessé de lui faire des signes, me dit : C’était son frère !


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