L'univers des écrits de et sur Albert Londres






pour chaque article : illustrations, aphorismes "londresiens" et accès au Fac similé intégral du journal en pdf.

Pêcheurs de perles


C'est en quelque sorte un thème de récit par défaut. Faute de pouvoir entreprendre un reportage d'envergure sur la nébuleuse des pays arabes, Albert Londres projette une enquête sur les conditions épouvantables des plongeurs pêcheurs d'huîtres perlières. Il conçoit et mène à bien, au prix de milles dangers, un circuit incroyable pour arriver jusqu'à Bahrein.

Il y a d'abord une relation d'un itinéraire extrêmemement compliqué à travers diverses contrées, avec l'aide de "passeurs" plus pirates que guides. Puis le quotidien de pêcheurs à la vie écourtée. Le style est adapté aux péripéties difficiles à suivre du voyage, succède l'effarant quotidien du pêcheur de perles. Les mots traduisent l'émotion d'AL face à sa misérable et courte existence.



Le Petit Parisien 19 octobre 1930
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Tu t'en iras
A la quarantaine, le docteur Illisible était assis devant son bureau. C'était un Egyptien qui paraissait assez fier d'avoir une seringue à manier. Au nom de la science infaillible, il s'empara de mon bras... Alors, on vaccine en trois temps, maintenant? L'Egyptien qui avait étudié en Angleterre, me fit comprendre qu'il connaissait son métier. "La première fois, je vous ai mis la peste; la deuxième, la petite vérole. En ce moment - et il enfonça son aiguille dans mon bras aux abois - je vous injecte la typhoïde". Eh! monsieur! il ne vous reste plus qu'à me donner le choléra ! "J'y arrive...!"

Je partais à la recherche de pêcheurs de perles. Où donc?
On pêche les perles à ceylan, au Vénézyela, à tahiti, en Californie, dans la mer Rouge; mais c'est ailleurs qu'il fallait s rendre.le lieu de l'infernale féérie n'est ni l'océan indien, ni le mer des Antilles, ni le pacifique.Vous ne comptez pas, pauvres bancs perdus !

Capitonné de nacre, couronné d'orient, le golfe Persique règne sur vous tous et, dans le golfe, posée sur l'eau turquoise comme une corbeille princière, abritée par un dais de nuages roses, là-bas, se trouve Bahrein, la fameuse Bahrein, l'île magique où, chaque matin, les dames blanches, sortant du bain, apparaissent sur le sable, les mains chargées de perles !



Le Petit Parisien 20 octobre 1930
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Djeddah
Ici l'heure a sonné de vous présenter Chérif Ibrahim. On dit que Chérif Ibrahim n'est pas son nom véritable. Il semble s'être nourri chaque jour de trois dattes quotidiennes et, toute sa vie, avoir bu l'eau que des chameaux auraient ruminé pour lui. Dès qu'il quitte la France, il coiffe le fez. On le prend pour un Egyptien, ce qui ne lui plait pas. Des rois l'adorent, d'autres le veulent pendre; mais, tout bien considéré, de la mer Rouge au golfe Persique, il est précieux plus que dangereux.
Nous tombions au Hedjaz en plein pélerinage; cent cinq mille musulmans, échappés des quatre coins du monde. Ils étaient en ihram, uniforme d'inspiration divine. Les femmes? En voici, paquets de hardes en marche, la tête sous la cagoule. Tantôt les deux trous de cette cagoule restent ouverts et l'on ne voit de la femme qu'un regard qui roule; tantôt d'autres cagoules ont mis leurs volets, c'est-à-dire deux morceaux d'une étoffe moins épaisse cousues devant les yeux.
Par surcroît, Djeddah, la ville bâtie, est d'un aspect ahurissant. On s'attend à quelque chose d'arabe, maisons basses à toits en terrasses, ce sont des palaais fantastiques dont le délabrement ajoute à la noblesse. En dehors des pélerins, la ville n'est jamais abandonnée, elle est régulièrement habitée par les mouches.
Une fièvre sacrée anime Djeddah. A la fin du jour, ils sont comme possédés. C'est le champ de foire de la foi.


Le Petit Parisien 21 octobre 1930
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Le Petit Parisien 22 octobre 1930
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Nous sommes au pays du wahabisme. Le wahabisme vient d'Abd ul Wahab. Le wahabisme, c'était le retour à la lettre du Coran. L'âcher l'ivrognerie, le viol, le pillage pour donner le bras à la vertu n'est pas à la portée du premier musulman qui passe. L'émir fut ce musulman. Il imposa le wahabisme. L'émir de 1750 était l'arrière grand-père d'Ibn Séoud. En 1900, un jeune bédouin, grand, beau, Ibn Séoud, était en exil au Koweit, son père chassé d'Arabie. Le wahabisme agonisait. Tel l'archange, commandé par Dieu, Ibn Seoud tira son glaive.
En 1924, Ibn Seoud entra dans la grande histoire. Il a conquis l'Arabie, du golfe persique à la mer Rouge. Il est roi du nedj, du Hedjaz et de l'Assir. Le Coran de force ou de gré! Pas de quartier! Le rite ou le bâton! Ibn Séoud est-il un ignorant? Loin de là! Il connaît notre civilisation; elle lui fait horreur.


Le Petit Parisien 23 octobre 1930
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Y a-mal ! Y a-mal !



Le Petit Parisien 24 octobre 1930
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Saint-John Philby


Le Petit Parisien 27 octobre 1930
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Ö Yemen
Les quatre pêcheurs de perles avec qui j'avais pris rendez-vous en arrivant en Arabie Saoudite, étaient là. Natifs des îles Farsans...ils seraient nos guides. Ils étaient stupides. Nous avions mis la main sur eux comme un aveugle empoigne la corde de son chien. Dans ces contrées abandonnées des hommes, de dieu et des bêtes intelligentes, l'Européen ne voit pas devant lui. Aucun renseignement ne viendra à son secours. On n'a qu'une certitude : boire de l'eau salée.






Le Petit Parisien 28 octobre 1930
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Vers les Farsans

Ya-Mal! voguons vers les îles Farsans! Un sambouk est un bateau pansu, poids lourd, spécialement construit pour glisser sur les parties de la mer non encore bitumées. Ils n'étaient point quatre, mais onze, retour de la mère des villes (La Mecque) Tous des hommes qui ne vivaient pas longtemps. Cinq autres étaient venus dans ce sambouk pour les ramener... L'un des cinq était un Somali français, enfant de Djibouti : "je leur vends du vermicelle." Ils mangent donc du bouillon? Quand ils pêchent, ils ne se nourrissent que de vermicelle. Lui ne plongeait plus. Enfant...il avait vu la folie. L'expresssion arabe qu'il venait d'employer ne pouvait plus nettement se traduire. Il faut étendre la formule à tous les pêcheurs de perles. Les malheureux grattent au fond de la mer et on dirait qu'ils marchent sur la lune! On peut affirmer qu'ils préfèrent être plongeurs qu'actionnaires d'une bonne mine de charbon. Ah! poètes superbes et illettrés !
L'agent général de vermicelle appela l'un des passagers, un jeune Arabe. Le garçon s'approcha; son père n'avait pu faire hou! hou! Un requin lui avait pris la jambe. Quand les tireurs le remontèrent, un second requin suivait, accroché à l'autre pied. Le fils était plongeur aussi. Son père, déjà sourd, pouvait plonger à vingt brasses et demeurer deux minutes et demie sous l'eau. Il avait la résistance d'un copie-lettres. Il devait beaucoup d'argent à son nakuda (propriétaire du bateau). Plonge bien et tu auras du crédit! telle est la loi sur les bancs. Pour s'attacher les hommes à vie - ce qui ne sera pas très long - le nakuda fait des avances d'argent et même de vermicelle. Et le plongeur meurt avec les dettes. Et son fils plonge pour les payer. Un nègre, marchand de vermicelle, conduit deux étrangers chez un indigène; l'indigène, sans discuter, leur offre tout de suite du café, mais il apprend que les individus entendent dormir chez lui. C'est un honneur dont il n'ignore pas le prix. Le nakuda fouilla ses poches, en retira une dizaine de calicots rouges, les dénoua et nous mit tant de perles dans la main que vous en auriez perdu la tête, ô mes jolies! Leur vue avait transporté les pêcheurs. Seul un aveugle, faisant encore partie de l'équipage, demeurait indifférent. Le nakuda choisit une perle et lui porta. L'aveugle la roula sous ses doigts, son visage s'éclaira et, dans un geste stupéfiant dont je n'ose comprendre la signification, il la passa sur chacune de ses paupières. Et il la rendit sans prononcer un mot.


Le Petit Parisien 29 octobre 1930
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La Plongée



Le Petit Parisien 31 octobre 1930
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La ville intoxiquée
Sois maudite, Hodeidah! Nous y voici rejetés. Pourquoi tout à la fois : la mouche, le moustique, le vent de sable, le manteau de plomb, l'eau salée ? Qu'il est difficile de faire le conquistador quand on n'est pas propriétaire d'un yacht! Les habitants d'Hodeidah se coiffent de préférence d'un pot de fleurs...
La ville entière n'était peuplée que de maniaques échappés le matin même d'un asile d'aliénés. Ils chiquent? Non, ils emmagasinent. C'est l'expression dont ils se servent. Ils emmagasinaient du kat. Le kat est une feuille verte ressemblant à la feuille de citronelle. Le kat est un stupéfiant comme l'est le haschisch, comme l'est l'opium.

A midi, le travail cesse, la journée du kat commence, elle durera jusqu'à minuit. Tout le monde mange le kat : parias, pauvres, riches, princes, roi. Les gueux consacrent cinquante centimes pour leur nourriture et trois francs pour le kat. Les riches en broutent pour trente francs.

Le kat leur tient lieu de nourriture.Ils mangent une petite fois avant midi et c'est fini. Aussi sont-ils maigres. A vingt-quatre ans, le jeune homme est épuisé.


Le Petit Parisien 1 novembre 1930
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La part de l'aveugle
On les entendait dire : "Un tiers pour l'équipage, un tiers pour les aveugles, un tiers pour les courtiers." Quels aveugles? et nous apprîmes ceci : Tous les deux ans, les pêcheurs de perles du groupe de Massaouah, mystérieusement unis, dérobent une, deux ou trois perles de valeur. Les sambouks qui doivent opérer ne sont pas désignés d'avance. On ne sait jamais ce que l'on remontera du fond de la mer...les armateurs sont, bien etendu, hors de ce complot. On affirme que beaucoup l'ignorent. N'est-ce pas la part du merveilleux?

Quels aveugles : ceux qui ont perdu la vue à chercher sous les eaux la main de la Fortune. Peut-on envisager, sans un certain éblouissement, ces dupes du sort secourues par la voie de la duperie? Il a fallu le génie compliqué de l'orient pour concevoir un pareil plan, et, pour l'exécuter, il faut bien toute sa ruse. Nos retraites ouvrières sont venues bien après le tiers des aveugles!




Le Petit Parisien 3 novembre 1930
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Esclaves
En cherchant des perles, allais-je trouver des esclaves? Avant 1925, ma route eut été semée. Le Hedjaz et le Nedj absorbaient toute la cargaison humaine. Ibn Seoud n'abolit pas l'esclavage : le Coran l'admet. Il en interdit le marché. Aujourd'hui la vente se fait en secret : "Bid-Dais". Cependant, on vit encore sur le passé. Toute famille riche du Hedjaz possède ses esclaves pour la cuisine, et pour le lit. Le plus extraordinaire, c'est qu'un esclave, une fois bien assis dans sa position d'esclave, ne se lève pas toujours pour ouvrir la porte qui le libérerait. Ils grandissent dans les maisons, les considèrent comme les leurs. Les uns restent domestiques, les autres deviennent hommes de confiance.


Le Petit Parisien 6 novembre 1930
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Djibouti-la-Joie
Voyageurs en escale, ne blasphémez plus. Rien ne vaut un séjour à Djibouti. On y compte, dites-vous, quarante-quatre degrés à l'ombre? Qu'est-ce que cela peut vous faire puisqu'il n'y a pas d'ombre? regardez : des hôtels, des ventilteurs au plafond, une salle de douche, de la limonade glacée. Ah! que vivre là!
Notre drapeau claquait déjà sur Obock, tout près dans les parages. Avant Cayenne, avant Nouméa, Obock était notre bagne. Il n'en reste rien aujourd'hui. L'odeur du crime s'est évanouie. Nous voulions une bonne rade non pour pêcher des perles, mais pour ouvrir un port d'où nous lancerions un chemin de fer à l'assaut du commerce de l'Ethiopie. Le port est sur le papier, non sur la mer.
Mais la jetée est faite. C'est une des promenades les plus agréables offertes aux pas de l'homme. J'ai vu souvent des audacieux s'y engager sur le coup de midi. Ils n'en revenaient pas. Au coucher du soleil, j'allais examiner, sur la terre rapportée, la trace que leur corps avait laissée en fondant.


Le Petit Parisien 7 novembre 1930
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La perle des six morts

Le Petit Parisien 8 novembre 1930
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Deux lettres
Aden est un décor où l'on s'étonne de ne pas voir des diables se promener avec leur fourche. Les chaudières d'Aden sont sept dents géantes et creuses qui, comme des marches, escaladent une immense masse volcanique; dansl'espoir de tromper je ne sais qui, les historiens de l'Arabie les appellent des citrenes. Coiffée et chaussée, la ville est nue du front aux chevilles. Il y faudrait débarquer muni d'un toboggan.


Le Petit Parisien 10 novembre 1930
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Bahrein
Bahrein, d'abord, n'est pas une île, mais deux îles. Elle en compte encore six autres, toutes petites, celles-là, on ne les voit pas. Entre les deux îles, les gens traversent, de l'eau jusqu'à la ceinture.

Les femmes sont de deux confréries : la confrérie du voile-cagoule et la confrérie du masque nasal. Elles doivent s'arranger ainsi par amour conjugal; les pêcheurs de perles ont le nez déformé par la pince. Ces femmes sont leurs épouses. Elles ne veulent pas être en reste avec eux!

Des aveugles passaient toujours. Ce serait bientôt l'heure du soir, l'heure où, voulant donner à leur perle un teint d'ambre et de lait, les huîtres s'ouvrent pour boire aux eaux douces du golfe.




Le Petit Parisien 11 novembre 1930
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Où l'on se roule dans les perles





Le Petit Parisien 13 novembre 1930
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Pauvres pêcheurs
Pauvres pêcheurs! Dupes d'abord, infirmes ensuite, tel est leur lot. Quant à Ya-Mal...à la Fortune, eux la chantent, d'autres l'encaissent. Leur vie est celle des esclaves. Un plongeur ne reçoit jamais, au cours d'une année, à titre de gain, une somme lui permettant d'éteindre sa dette. Le mauvais plongeur a une petite dette, le plongeur moyen une moyenne dette, le bon plongeur une grosse dette. Les plongeurs ne touchent pas de salaire. Ils sont supposés participer aux bénéfices. A la fin de la saison, les esclaves rentrent à leur gourbi. On leur prêtera du riz à dix pour cent d'intérêt pour subsister jusqu'à la pêche prochaine.
Les plongeurs ont à lutter contre le poisson-scie, contre la raie, contre les poissons électriques, contre le requin.
Ils ont la teigne, tous souffrent de maux d'oreilles; tant que les plongeurs ne sont pas sourds, on ne les considère pas comme étant de classe, sous la pression de l'eau les vaisseaux de leurs poumons se rompent, les aveugles : vous savez déjà!


Le Petit Parisien 15 novembre 1930
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Du sang sur le tas

Le Petit Parisien 16 novembre 1930
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Du sang sur le tas


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