Récits de la Peste


On a tous au moins entendu parler de ces grands épisodes de peste qui ont ravagé des contrées entières lors de diverses périodes de notres histoire.

Nous en avons des témoignages d'une implacable et hallucinante vérité en parcourant les registres paroissiaux de nombre de communes. Particulièrement autour de la périodes de 1720, date célèbre à cause de l'ampleur de la "grande peste de Marseille". que chaque commune a aussi subie, avec une importance souvent plus grande, à leur échelle, que celle de la capitale phocéenne.

Il en est ainsi dans des petites communes qui devaient abriter au plus quelques centaines d'âmes, lorsque les pages consécutives du registre paroissial égrènent comme une litanie sinistre une suite de mentions de décès sans interruption pendants deux à trois mois, citant plusieurs centaines de paroissiens.

La peste au Cannet des Maures entre octobre 1720 et février 1721

Le registre couvrant la période 1695 à 1753 pour Le Cannet des Maures, est atteint par la peste à la vue 141. Il arrête sa liste des décès (avec familles entières) après 200 morts environ, à la vue 146, en février 1721. Mais il s'arrête aussi tout court. Les actes de la paroisse ne reprendront qu'en décembre 1736!

Nous avions des ancêtres présents sur place. Leurs familles furent atteintes, ainsi François Aune né en 1709, fut le seul survivant de sa fratrie. Et au moins une autre ancêtre, Elizabeth Rimbaud, épouse de Gabriel Pic, y laissa la vie à 36 ans, elle fut une des dernières victimes de l'épidémie le 22 février 1721. Son frère en réchappa, il était né en 1709 et il est aussi notre ancêtre, histoire contée dans le récit des ancêtres "en double". Il a du se marier en 1721 ou 1722, son fils François ancêtre de la génération suivante étant né en 1723, période où nous n'avons plus d'actes.

La peste à Néoules entre juillet et décembre 1721

Néoules est une petite commune du centre Var, un peu à l'écat de la vallée du Gapeau qui remonte depuis Solliès-Pont vers Tourves et Brignoles.

Le registre des tables de naissances, mariages et décès (Néoules 1686-1756) pour l'année 1721 liste à partir de la page 25 les naissances (10), mariages (2) et décès (9) "ordinaires" jusqu'au mois de juillet, avec un dernier baptême le 15. Commence alors une liste de décès dus à la peste. Une première, le 14 juillet, celle de Geneviève Fabre femme de Louis Lespanet, 60 ans.

La maladie couve certainement car 10 jours plus tard, à partir du 24, ce sera le décès de plusieurs personnes chaque jour et ceci jusqu'à la fin de l'année. Uniquement des décès en ces pages, seules deux naissances ont eu lieu mais les nouveaux nés n'ont pas survécu. Et aucun mariage.

En fin de liste, page 30, figure un très intéressant mémoire laissé à l'intention de la postérité par le vicaire de Néoules. C'est un véritable réquisitoire à l'encontre des autorités administratives du lieu qui n'ont pas écouté les recommandations du vicaire; celui-ci présente alors l'hécatombe qui s'en est suivie comme une punition de Dieu.

Et puis plus rien, il n'y a pas de page 31, le curé lui-même ne s'en est peut-être aussi pas sorti. La liste des actes reprend seulement au début de 1722 avec un autre vicaire. Cette année-là il y aura 19 naissances, 8 décès et un nombre exceptionnel de 20 mariages, les survivants veulent faire revivre le village. Il y aura encore 10 mariages en 1723 ainsi que 19 naissances et 7 décès.

Néoules comptait 400 habitants en 1793, mais n'en avait certainement pas plus de cinq à six cents à l'époque de la peste. Celle-ci a donc tué plus de la moitié des habitants du village.

Mémoire du prêtre de la paroisse de Néoules, fac-similé et texte dactylographié




Nous soussigné messire Antoine Terrin prêtre vicaire perpétuel de cette paroisse estimons ne devoir pas laisser ignorer à la postérité que la peste est véritablement un fléau dont Dieu châtie les peuples pour leurs péchés, mais plus à cause de leurs désobéissances et de leurs rébellions, puisqu'à l'égard de ce lieu la contagion pouvait facilement se borner avec la grâce de Dieu à Geneviève Fabre morte le 14 juillet dernier ou à sa famille si les administrateurs avaient écouté avec docilité la voix de Dieu qui se faisait alors entendre par la bouche de son pasteur qui outre les secours spirituels n'a pas cessé de donner des avis et des conseils salutaires tous conformes aux ordonnances de Mrs les commandants de la province et de la droite raison que les magistrats par un aveuglement étrange ont presque toujours négligé en sorte que le Seigneur se trouvant méprisé dans la personne de son ministre quoiqu'indigne : qui vos audit, me audit, qui vos spermit me spermit il a fait périr par la peste 314 personnes dans ce petit lieu et Dieu veuille calmer sa colère par son infinie miséricorde par les mérites de la mort et passion de J.C. son fils et par l'intercession de la bienheureuse vierge marie notre advocate, de St jean baptiste notre patron de st roc et de tous les SS et SStes de paradis au dit lieu de Néoules le dernier décembre 1721. Joseph Bremond, Joseph Pascal et Terrin vicaire à l'original.

Nous soussignés consuls et intendants de santé de ce présent lieu de Néoules certifions et attestons à tous qu'il appartiendra que les 314 personnes dont les mortuaires sont écris dans ce registre de cette année 1721 sont véritablement morts de la peste les jours y dénomés à l'égard de chacun en particulier et leurs corps ensevelis dans le terroir de ce dit lieu excepté neuf estant décédés de mort ordinaire avant le mois de juillet dernier et que Mr Antoine Terrin notre vicaire les a enregistrés avec tout l'ordre et l'exactitude possible et qu'il a donné à tous les pestiférés par l'administration des sts sacrements tous les secours nécessaires avec beaucoup de zèle et de diligence en foy de quoy pour estre la vérité telle nous avons signé la présente déclaration sur le même dit registre à Néoules le dernier jour de décembre mille sept cent vingt et un. J. Pascal, J. Bremon, J. Martin marque du Sr consul Balthasard Bremon 2d consul, J. Vial infirmier et J Long intendant et Allegre à l'original