Deux destinées d'enfants du pasteur du village

Aurions-nous imaginé certains de nos ancêtres
en curés avec une calotte?


C'est pourtant la vérité pour plusieurs, voici l'histoire de deux d'entre eux dont les descendants, par le plus grand des hasards et des pérégrinations géographiques, se sont rencontrés et mariés.

Le premier résidait dans un endroit perdu du Bas Dauphiné, département de l'Isère, un pays que l'on appelle les Terres Froides, entre la Côte Saint André et Bourgoin. Le climat est rude, mais le qualificatif provient certainement de ce que ce sont des terres infertiles.(1)

Le second exerçait dans le nord de la Bresse, entre Lons-le-Saunier (dans l'actuel Jura) et Louhans qui est en Saône et Loire. (2)

Le fils du premier élevé par sa mère, Etienne Billard, nom de jeune fille de sa mère, a acquis un métier de tisseur de toile en s'exilant dans le département voisin, dans la Bresse bressanne. (3)

Les enfants du second restèrent d'abord sur place avec le nom du père Curé, mais son petit fils Ferdinand vint s'établir comme précepteur à Chavannes-sur-Suran en Bresse de l'Ain. C'est là que la petite fille de ce dernier, Marie Rose Curey épousa le jeune homme Etienne Billard venu des terres froides.

Pour bien situer ces ancêtres, il suffit de dire simplement que ces deux nouveaux Bressans sont devenus les grands parents de Marie Bernard, l'arrière grand mère des Bouvant de Lyon qui, après avoir épousé à Villefranche-sur-Saône Claude Eugène Bouvant, s'établira à Saint André de Corcy où le couple dirigera un relais de diligence.



Le curé de Biol en Isère dans les Terres Froides
Le curé Thévenet arrive à Biol à l'automne 1776, il signe son premier acte, qui est une "bénédiction nuptiale" le 1er octobre.
Les villages de Biol et de Monrevel sont limitrophes, il y a environ 1200 mètres entre le "centre" de Montrevel et celui de Biol qui s'appelle en fait le Bas-Biol, ce qui ne manque pas de sel quand on apprend quelles relations se sont instaurées entre une jeune femme du premier, qui s'appelait Elisabeth Ripel et deviendra une ancêtre de la famille Bouvant, et le curé du second.

En effet ils se sont rencontrés peu après la prise de fonction du curé et se sont apparemment plus, un bébé étant en route avant l'été 1777. Elisabeth a fait alors ce qui était la règle quand le père ne pouvait se déclarer lui-même et se marier, par exemple lorsque c'était le curé du village (cas pas du tout exceptionnel). Elle a, ainsi que le précisera l'acte de naissance de son enfant, fait une déclaration de grossesse auprès de Me Joseph Rabillaud, notaire résidant au Plan Vallin, pour faire entériner la paternité du sieur Jean Thévenet curé de Biol.

Ce denier continue à enregistrer et signer tous les actes de la paroisse (naissances, mariages, décès) sous le sigle Thevenet curé jusqu'au 7 mars 1778, deux semaines avant qu'Elisabeth accouche d'un garçon. Retraite d'office ou mise en congé volontaire? Ce ne sont pas les actes suivants qui peuvent nous renseigner sur ce point. Les premiers sont signés par Beaulieu vicaire puis tous les autres par Beaulieu commis, ce qui traduit bien le fait que celui-ci a été commis d'office pour faire un remplacement. En effet on voit le "titulaire" revenir un an plus tard, il signe un acte le 10 avril 1779, son remplaçant en signera ensuite trois autres sous son titre retrouvé de Beaulieu vicaire avant de rejoindre une autre commune. Notre aïeul et doublement père a donc véritablement pris un congé de paternité.

Au cœur des Terres Froides, traversés par route et autoroute Lyon Grenoble, les villages de Biol et Montrevel dont les églises sont distantes de 1200 mètres.

Il y avait à cette époque, au sein de la très sainte Eglise Catholique, une relative transparence quant à l'existence d'une progéniture des "pères" curés qui restaient en poste, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Cela n'allait toutefois pas jusqu'à donner leur nom à leurs enfants.

Le jeune Etienne n'a donc pas porté le nom de son père (Thévenet) ni celui de sa mère (Ripel) qui lui a attribué le nom de jeune fille de sa propre mère, Billard, sous lequel elle s'est déclarée dans l'acte de naissance, avec la complicité du curé de Montrevel. Peut-être sous la pression du père d'Elisabeth refusant que son nom Ripel soit porté par le nouveau-né notoirement bâtard du curé. Autre magouille du curé de Montrevel : il a rajouté sur le double de l'acte destiné à l'évêché, après a été baptisé, la mention sous condition, certainement pour se couvrir auprès de sa hiérarchie.

Notre ancêtre de la génération suivante s'appellera donc Etienne Billard, mais la nature de son hérédité pas très catholique (au sens figuré) ressortira lors de son mariage. Dans la rédaction de l'acte, son père a été nommé Jean Billard, sa mère Elisabeth est alors devenue bizarrement pour l'occasion Ylard (nous ajoutons alias Billard, alias Ripel)

Mais l'histoire ne s'arrête pas là car elle rejoint, comme cela a été évoqué plus haut, celle d'un autre ancêtre lui aussi (avec une quasi certitude) bon père.

Jean Thévenet, Jean Curé, voilà deux grands .. (8 fois pour l'un, 12 fois pour l'autre) .. grands pères, que ceux qui croient en la résurrection des morts pourront aborder, lors des grandes retrouvailles, en les appelant tout simplement … mon père!

Nous disposons (en de nombreux exemplaires) de la signature de notre ancêtre sous la forme Thévenet curé figurant au bas de tous les actes de la commune de Biol, à défaut de l'avoir sous celle de Jean Thévenet qui aurait du figurer sous l'acte de naissance de son fils Etienne.
Le curé de Nance dans le Jura bressan
Le fils du curé de Nance, nommé tout simplement Denis Curé, épousa en 1692 une jeune fille d'une famille bien implantée dans cette petite commune du département actuel du Jura qui est en fait beaucoup plus liée à la bresse louhannaise, à quelques encablures de Frangy-en-Bresse, où le poulet est roi.

Un de leurs six enfants, le dernier, Ferdinand, fit souche sur place à Nance, avec Claudine Marie Blanc, l'un des nombreux ancêtres ayant porté ce patronyme en diverses régions.

Son fils Etienne Joseph l'imita totalement de ce point de vue puisque, s'il a émigré à Chavannes-sur-Sura dans le département de l'Ain (en Bresse bressanne) il a épousé une jeune fille parfaitement homonyme de sa mère, une autre Blanc Claudine Marie!

Ayant changé de région, il a préféré changer son nom à la connotation trop marquée, en celui de Curey, la fille du couple sera ainsi Marie-Rose Curey. C'est à Chavannes, dans sa commune de naissance, qu'elle rencontrera Etienne Billard qui n'a jamais porté le nom de son père, abbé de Niol en Dauphiné