La dynastie des SERRE


L'épopée des Serre de La Garde, titre initial de ce roman qui n'a rien de cape et d'épée, avait été donné pour conter l'histoire de nos ancêtres Serre qui, avec les Gibelin, ont constitué l'univers d'ascendance de notre mère Olinde. Celle-ci avait du abandonner son nom et son cher Var natal pour venir à Lyon créer une solide lignée de Bouvant.

La saga des Gibelin  a été pratiquement close avec le décès du tout jeune marié et père de famille Rolin, c'est sous le nom de Serre que nous connaîtrons sa seule descendante Augusta Victoria. Nom qui lui-même sera remplacé dès la première génération par celui de Bouvant. Beaucoup plus prolifique, ce dernier fait l'objet de deux autres histoires, l'une dans l'Ain, l'autre dans le Var.

Vous qui êtes accro aux séries télévisées allez vous passionner pour chacune de ces quatre séries. Mais je vous préviens, nous ne sommes pas dans l'univers de Jane Austen, Galsworthy ou Thomas Mann. Celui-ci est cent pour cent paysan avec son cortège de naissances suivies de décès, l'activité est sans exception (jusqu'à une période relativement récente) celle de travailleur de la terre (aussi appelée dans les actes agriculteur, ménager ou journalier).Et l'assommoir de ces paysans provençaux était le soleil qui les écrasait en les privant du liquide le plus précieux pour leur survie, j'ai nommé l’eau.

Chacune des séries est enrichie d'histoires complémentaires progressivement mises à jour, accessibles par liens (quand le mot est en bleu) à l'endroit du récit, contant les origines parfois savoureuses ou exotiques des familles de nos aïeules dont les branches, si elles ont perdu leur nom en venant ramifier notre arbre, ne présentent pas moins d'intérêt que celles des membres mâles.

Fixées sur le papier, inaltérables, ces belles histoires vous emmèneront dans le Haut Var et le Pays de Manosque, en Centre Var des Maures, sur la côte varoise, à Toulon ou encore dans le "Pays des Sardes" en arrière-pays niçois.

A l'intention de mes propres descendants, ces histoires de mes ascendants ont été complétées par d'autres. Car ils héritent, grâce à (ou à cause de) mon épouse Miriam, d'une famille néerlandaise tellement prolifique que le nombre d'enfants de nos aïeux en devient pitoyable. Ils descendent ainsi de véritables tribus d'origines teutonne puis batave. Exit la calme saga gauloise de Provence, on assiste aux conquêtes de Wotan pour l'or du Rhin ou celles de Guillaume d'Orange pour les épices des mers australes. Ils pourront ainsi en voir de toutes les couleurs, nos enfants.

En attendant évoquons cette famille au nom fugitif de Serre, elle est beaucoup plus reposante. Les deux membres que j'ai connus sont ma mère et son propre père, seul grand parent ayant eu la patience de m'attendre, leur personnalité est responsable d'une bienveillante narration de l'histoire de leurs (qui sont aussi mes) ancêtres.



Voici une chronologie des générations Serre, depuis Guillom (g10) jusquà Olinde (g10) et leur place dans les chapitres numérotés du présent récit. Trois épouses nous permettent d'accéder à des ascendances du Var et du pays Niçois
  1. Moissac-Bellevue, berceau des Serre
  2. Trois générations vivent à Entrecasteaux
  3. Un demi siècle à La Garde
  4. Près d'un siècle d'errance en Côte Varoise
  5. La Garde en destination finale


Dans l'histoire familiale des ancêtres des "Bouvant de Lyon" les noms Gibelin et Serre revenaient souvent dans la bouche de leur mère Olinde, noms respectifs de sa mère et de son père. Le premier a son histoire dans la Saga des Gibelins. Nous allons donc nous intéresser ici à cette famille dont Laurent Serre, le Pépé à la barbichette de La Garde, aura été le dernier maillon.
Les données que nous possédions initialement avaient fait partir les Serre du littoral varois où ils passaient d'une commune à l'autre en tant que travailleurs journaliers.
Leur histoire vient d'être complètement remaniée après la découverte que nos Serre du littoral avaient été précédés des Serre du Haut Var.
Après de longs tâtonnements et être resté en rade tout près de Toulon, nous avons pu retrouver le fil des ancêtres au centre du Var, à Entrecasteaux et en dernier ressort à Moissac-Bellevue. Il est très peu probable que nous mettions la main sur de plus lointains ancêtres car nous avons épuisé toutes les ressources des registres paroissiaux dont les plus anciens sont incomplets et démarrent en 1598. C'est donc de là que va commencer l'histoire de nos Serre.


génération 10 - Moissac-Bellevue, berceau des Serre

le Haut-Var, de Barjols à Draguignan et le Verdon

le village de Moissac

Pas très connu, ce petit village du Haut-Var. Pour le situer, disons qu'il est entouré des communes Aups, Fox-Amphoux et Régusse. Une bonne vieille carte Michelin vous en montrera plus sur son environnement, de Draguignan au Verdon. Le coeur du village est minuscule et perché sur une colline de près de 600 mètres mais son habitat est très disséminé dans les plaines qui l'entourent, c'est là que vivaient les premiers Serre, paysans comme tous nos ancêtres.

Vers 1600, époque qui nous intéresse, le village abritait environ deux cents âmes, il connut son apogée vers le milieu du 19ème siècle (400 âmes) pour décroître rapidement à partir de 1900. Aujourd'hui la population est remontée à presque trois cents habitants, après avoir conservé à peine une cinquantaine d'anciens vers 1960. Tourisme et résidences secondaires participent à ce mieux comme dans la plupart de ces petites communes du Haut-Var.

Un point commun entre tous nos ancêtres Serre, Gibelin et Bouvant, est qu'au 19ème siècle l'un d'entre eux a émigré dans un village, y a prospéré, puis le nom a disparu de chacun de ces villages, respectivement Entrecasteaux, Le Cannet des Maures et Trévoux. Notre Serre migrant est venu de Moissac, il semble bien que ce village constituait une racine plus pérenne, car après son départ, des Serre de plusieurs fratries ont continué à y vivre.
Tout ce que nous saurons d'eux est le nom des parents du migrateur. Ils se nommaient Guillom Serre et Marie Chabert, cités lors du mariage à Entrecasteaux de leurs deux enfants.

Il est frappant de constater que les noms et les prénoms sont en nombre très réduits dans une commune mais diffèrent d'une commune à l'autre.

A l'époque, Moissac-Bellevue regorgeait de Chabert, encore plus de Sigaud, les autres patronymes fréquents étant Gondrand, Aubert, Maurane, Roux et Rousse, Cougourdan, Garrone, Bon et un peu de Serre.
es prénoms les plus usités étaient en premier honorad(e) puis margaride, anthoine, melchiom et melchionne, louis(e), barthasart, jehan, janone, guillom, madallene, gaspard(e), isnard, fourou, antorone.


Les tout premiers (et guère lisibles) registres d'éat civil de Moissac datent de 1598, ainsi l'existence de Guillom et Marie nous est connue par le seul acte de naissance à Moissac d'une fille Magdalene en 1608 et de deu actes notariés d'Entrecasteaux où ont eu lieu le mariage de deux enfants. D'abord leur fille Allayonne (aussi un prénom local!) qui s'est mariée le 5 février 1612 avec Gaspard Jassaud. Ils auront deux filles Lucrece qui se mariera avec Antoine Ravaize de Villecroze en 1653, puis Marguerite mariée la même année avec Honoré Archier de Cotignac, nous les perdrons de vue.

L'autre mariage nous concerne directement, c'est celui du fils Melchion dix années plus tard. Il épouse le 5 avril 1622 Marguerite Abbat native d'Entrecasteaux. On y va.

Comme on peut le constater sur la carte, les deux communes ne sont pas voisines, il faut traverser Aups et Salernes pour se rendre de l'une à l'autre. Il a fallu une raison bien précise pour justifier cet "exode" de 25 km. Peut-être, comme 150 ans plus tard pour les Gibelin migrant de Cotignac au Cannet, est-ce l'opportunité d'un emploi au château de la commune d'arrivée. Mais nous n'avons pas assez d'informations sur les actes des registres paroissiaux pour en savoir plus. Rappelons que nous sommes au début du 17ème siècle, les guerres de religion se terminent enfin, Henri IV est assassiné.

Les états civils sont confiés à l'Eglise depuis 1539, mais celà laisse à désirer. L'ordonnance de Blois en 1637 y mettra bon ordre. En attendant les actes de baptême, mariage et sépulture sont plus que succincts et approximatifs. Le curé signe en général seul, la présence de témoins n'était pas encore de règle, de plus on aurait difficilement pu trouver des présents capables de signer. Il faut faire avec ce que l'on a et se contenter des écrits des curés qui écrivent les noms comme on les leur a prononcés, ce qui donne parfois des mots assez savoureux avec l'accent provençal. Mais ce qui est plus gênant est la nécessité de faire de la paléographie, souvent sans succès, à chaque changement de rédacteur, pour faire l'apprentissage de son écriture, la forme des lettres variant avec la plus grande fantaisie.
Exit donc le Haut-Var de Moissac pour la Provence Verte d'Entrecasteaux. La commune compta jusqu'à 2500 habitants au début du 19ème siècle; après être retombée à moins de 500 en 1950, elle abrite aujourd'hui un millier d'habitants. Le château que l'on a évoqué n'avait pas à l'époque sa splendeur actuelle qui en fait l'un des plus beaux, sinon le plus beau du Var, dont il est vrai ce n'est pas la spécialité. Ses jardins seront en effet dessinés, quelques dizaines d'années après l'arrivée de Melchion, par Le Nôtre, le "designer" de Versailles. Quoiqu'il en soit, grâce à Marguerite et Melchion, le nom de Serre va apparaître, après leur mariage en 1622, un certain nombre de fois à Entrecasteaux tout au long du 17ème siècle.

le pont et le château d'Entrecasteaux


Melchion fonde une "dynastie" de Serre à Entrecasteaux

La commune est privée de la plupart de ses registres de l'époque. Seuls ont subsisté les relevés de baptêmes pour la période 1637 à 1667. On ne pourra donc rien savoir sur les naissances de leurs trois enfants, antérieures à 1637. Heureusement les dates de deux actes notariés de mariage sont venus miraculeusement pallier à la disparition des registres paroissiaux. Ils nous permettent de voir comment s'est dessinée la descendance de Melchion et Marguerite. Ils se marient le 5 avril 1622 en présence des parents Guillom Serre, Marie Chabert de Moissac pour Melchion et de Honoré Abbat, Jeannette Bernard d'Entrecasteaux pour Marguerite


génération 8 - Les enfants de Melchion : Anne, Pierre et Jean

Il y aura d'abord une fille, Anne, mariée le 4 mai 1654 à Jacques Paye.
Puis Pierre qui épouse le 26 novembre 1662 Isabeau Blacas native d'Entrecasteaux. Le prénom est alors utilisé pour Isabelle, quant au nom on le trouve aussi écrit Blacasse et même Blacquasse (avè l'assent!). Ses parents sont Pierre Blacas et Françoise Roux. Les parents de Pierre, Melchion et Marguerite, sont aussi présents.
Le fils suivant sera notre aïeul Jean dont l'existence ne nous sera connue qu'à l'occasion de la naissance de ses enfants, son mariage a peut-être eu lieu en une autre commune. Quoique les nom et prénom de son épouse Marguerite Roux sont alors les plus usités sur place.

Les deux frères vont peupler le village de petits Serre à partir de 1662, puis ceux-ci suivirent leur exemple au seuil du siècle suivant. La prolifération sur le site d'Entrecasteaux s'arrêtera alors avec la génération suivante, plus aucun Serre ne naîtra après 1750. Passons en revue les deux fratries de première génération née dans le village.
Commençons avec Pierre, les actes de baptême nous délivrent le nom de ses 7 enfants :
Il y aura donc parmi les 7 enfants de Pierre de quoi alimenter une petite production de cousinage. Il quitte ce monde en 1707 à l'âge de septante ans.


Notre aïeul Jean, deuxième génération d'Entrecasteaux

Quant à notre aïeul Jean, nous sommes privés d'information sur la naissance mais aussi sur son mariage; il aura cinq enfants avec Marguerite Roux (ou Rousse avec l'accent).
Les deux garçons vont se marier le même jour de septembre 1698 avec deux soeurs Margaritte et Anne Bech.
Vingt années séparent le premier enfant, Joseph, du dernier qui est aussi nommé Joseph. Beaucoup pour Anne, mariée à 18 ans qui décède après ce septième enfant en 1722, elle n'avait pas 40 ans. Pierre reste en forme, il va épouser à 50 ans Claire Simon avec qui il aura un nouveau descendant mâle Jean François.
Une autre branche de cousinage issue celle-ci de l'aïeul Jean, est donc créée.
Saluons auparavant le départ de notre aïeul de la deuxième génération des Serre d'Entrecasteaux, première à y avoir passé toute son existence, Melchion n'étant devenu entrecastelain qu'après son mariage.
Jean décède en 1706, un an avant Pierre, au même âge et après un parcours similaire comme travailleur et père de famille nombreuse. N'ayant pu avoir accès à leur acte de naissance, on pourrait même se demander s'ils n'étaient pas jumeaux. Ils ont en tout cas implanté en Provence verte une solide lignée Serre, avec leurs douze enfants et 29 petits enfants ayant ce patronyme.


génération 7 - Antoine troisième génération d'Entrecasteaux

Notre aïeul Antoine fils de Jean est né en 1671, il appartient  à la deuxième génération (7 enfants de Pierre, 5 de Jean) née sur place, pendant les deux décennies 1660 et 1670.
On en retrouve un certain nombre autour de l'année 1700 au moment de leur mariage. Ainsi en 1698 ce sera le cousin Barthélemy et les deux frères Antoine et Pierre épousant les deux soeurs Bech comme nous l'avons déjà noté. Le patronyme Serre nouvellement implanté à Entrecasteaux s'est alors allègrement mêlé aux patronymes locaux, comme on a commencé à le voir.

C'est d'abord Melchion épousant une Abbat, puis il y a eu plusieurs Bech et Blacas noms typiques de la commune, avec de plus classiques tels Arnoux, Giraud, Isnard, Figaniere, Marcel, Jassand. Mais les noms de famille vedettes d'Entrecasteaux sont sans conteste Simon (que les Serre fréquentèrent peu) et Roux que l'on retrouve à de nombreuses reprises en époux ou épouses des trois générations de Serre ayant vécu à Entrecasteaux.
Les prénoms à la mode en ces temps là étaient les inusables Margarite, magdelene, Isabeau, Clere pour les filles, Anthoine, Balthazar, Gaspar, Honoré, Jehan. Il y avait aussi les "exotiques" comme Melchior, Spirit, Gonore, Aisabian, Girosmè ou Honorade, Lucresse...

L'épousée d'Antoine, qui ne sera pas notre aïeule, est donc en ce 9 septembre 1698 Margueritte Bech. Un certain nombre d'enfants vont alors apparaître au seuil du 18ème siècle. Une première fille Elizabeth en 1702. Une autre fille Magdelene en 1706. Puis une troisième en 1707, Margueritte, qui va mourir en 1709 à deux ans. Pour compenser une deuxième Margueritte (et quatrième fille) viendra au monde en 1710.

Prénoms donc très conventionnels pour les filles, mais aussi pour le seul garçon appelé Pierre, qui va compléter en 1714 cette première famille d'Antoine. Car pour son épouse Margueritte l'histoire s'arrêtera là, elle décède au début de l'année 1716.

Curieuses destinées parallèles : il y a eu celles des deux frères Pierre et Jean. Il y a maintenant celle des deux fils de Jean qui ont épousé le même jour deux soeurs très jeunes (18 ou 19 ans, n'auraient-elles pas été jumelles aussi?). Après avoir donné le jour à 7 enfants pour l'une, à 5 pour l'autre, elles meurent toutes deux avant d'avoir atteint leur quarantième année.

Antoine était travailleur comme tous les Serre de cette époque, il se retrouvait seul avec cinq enfants dont l'aînée avait 14 ans et le dernier marchait à peine. Il s'est donc mis en quête d'une nouvelle compagne qui puisse se substituer à leur mère. Il se marie ainsi quatre mois après le décès de celle-ci, en mai 1716, avec Clere (Claire si vous préférez) Roux. Le prénom et le nom se trouvent à tous les coins de rue du village et au-delà, pas facile de découvrir les parents proches, sauf à dire qu'ils sont tous cousins, réponse un peu facile et de toute façon inexacte. Ce serait intéressant pourtant de démêler l'écheveau de sa parenté, car cette Clere Roux va devenir notre aïeule. Elle est très jeune elle aussi au moment de son mariage puisqu'elle est née en 1698, elle n'a donc que 18 ans.

Antoine et Clere auront trois enfants, d'abord Jean-Baptiste en 1717, puis Magdelene en 1720, enfin (mais non le moindre pour nous car il deviendra notre aïeul) Jean-François en 1723. Il n'a malheureusement que deux ans lorsque son père Antoine décède en 1725.

Clere est encore jeune, 27 ans, et se trouve veuve avec sept enfants vivants, seules les deux aînées du premier mariage d'Antoine étant en âge d'être autonomes. Aucune aide sociale n'était organisée, comment a-t-elle pu survivre, cela est un mystère. 



génération 6 - Les Serre désertent Entrecasteaux

L'aîné de ses propres enfants, Jean-Baptiste, est resté à Entrecasteaux car c'est là qu'il se marie en 1743 avec Jeanne Ravois. Mais le plus jeune Jean-François est allé tenter sa chance ailleurs. Il nous donnera des tristes nouvelles de sa mère en se mariant à La Garde en 1746 car on y apprend que celle-ci "à cause de son grand âge et de ses infirmités n'a pu se transporter en ce lieu". Les infirmités, cela était malheureusement courant, mais parler de grand âge alors qu'elle n'a pas encore 48 ans laisse rêveur. Nous nous en doutions, on a la confirmation que la vie de notre aïeule Claire Roux n'a vraiment pas été un parcours de santé. On ne peut dire combien de temps elle a encoré vécu (ou plus exactement survécu) car elle n'est pas décédée sur place.

Ainsi se clot pour nous le chapitre de nos Serre d'Entrecasteaux. Les cousins et alliés sur place ne s'éterniseront pas dans cette commune, il n'y aura plus de naissance Serre après 1750. Ainsi sur le premier recensement de la commune établi en 1836 ne figurera aucun habitant sous le nom de Serre. Par contre et plus que jamais, nombreux seront les autochtones classques, les Roux, Bech, Jassand, Blacas, Marcel, Abbat. Ainsi les Serre n'auront traversé l'espace d'Entrecasteaux que pendant un peu plus d'un siècle, de 1620 au milieu du 18ème.


Installation provisoire à La Garde

Nous récupérons notre aïeul Jean-François à l'occasion de son mariage qui a lieu à La Garde le 27 avril 1746. L'acte est intéressant à plus d'un titre et mérite une traduction en bonne écriture de traitement de texte.
L'an mil sept cent quarante six et le vingt sept avril le mariage accordé entre françois Serre fils de feu Antoine et de Claire Roux du lieu d'entrechateaux diocese de fréjus habitant en ce lieu de la Garde depuis environ quatre ans d'une part, et Marie anne Surle veuve de Guillaume Laugier de la paroisse d'Yeres d'autre; a été célébré par moy prêtre soussigné dans l'église paroissiale de ce lieu de la garde trois publications faites intra missa parochialis solemnia durant trois dimanches consécutifs nétant venu a notre connaissance aucun empechement soit canonique ou civil, ni de messire Lons vicaire de entrechateaux ou le dit mariage a été publié ainsi qu'il nous conte par l'attestation que le dit messire Lons nous a donné en datte du vingt cinq de ce présent avec l'état libre du dit françois Serre agé de vingt sept ans, le dit françois Serre nous ayant exibé le consentement par écrit de Claire Roux la mère qui a cause de son grand age et de ses infirmités n'a pu se transporter dans ce lieu lequel est effectivement signé de la dite veuve l'ont vu de J Denans et de JF Bernard; vu aussi l'attestation de messire Mougins curé de la paroisse d'Yeres ou le mariage a été publié en datte du vingt cinq de ce mois. après avoir exigé leur mutuel consentement je les ay marié par paroles des présents, et leur ay donné la bénédiction selon qu'il est prescrit dans le Rituel Romain pour les secondes noces des femmes en présence de Jean Baptiste Serre son frere, de Louis Revest, d'André Agarrad de Joseph Reboul et de Louis Eyquier tous requis et ont signé"


La rédaction n'a plus la simplicité des communes précédentes, le formalisme est lourd et empesé inutilement. Deux anomalies : le marié a perdu une partie (Jean) de son prénom; étant né en janvier 1723, il n'avait selon moi que 23 ans et non les 27 que lui attribue le curé de la Garde. Du côté du marié toujours, on a déjà vu que sa mère Claire n'a pu faire le déplacement à cause de son état de santé, il y a environ 70 km entre les deux communes, que ce soit par Le Cannet, Cabasse ou Brignoles; dans les années 1750 le voyage ne durait pas une heure mais une journée. Jean-François était "libre" parce que son père était décédé, mais le consentement de sa mère était néanmoins nécessaire et celle-ci a du se plier à cette formalité nécessitant une authentification par témoin ou notaire.

Du côté de la mariée, Anne Marie Surle, aucun formalisme n'a été requis par contre car elle était veuve. Le marié peut avoir 50 ans, le consentement des deux parents (s'ils sont encore en vie) est indispensable mais si sa promise est une jeune veuve de 20 ans, elle est libre comme l'air, ses parents ne sont même pas invités à la bénédiction nuptiale.

Nos jeunes mariés futurs aïeuls devaient être bien esseulés en un lieu nouveau pour eux, ils n'y résidaient que depuis peu. Ils ont eu toutefois quatre témoins de bonne éducation car ils ont tous signé, c'est la première fois qu'un acte d'un Serre bénéficie d'un tel entourage. Et plus important me semble-t-il pour notre grand père éloigné, son frère aîné Jean Baptiste est venu d'Entrecasteaux come l'a souligné le curé. Il est intéressant de voir que lui aussi a déposé une signature dont le graphisme (on lirait plus facilement JB Cerro) que l'on peut voir sur la reproduction de l'acte a quelque chose d'émouvant.

Enfin dernier point et non le moindre, à propos de cet acte. Clere n'est pas venu, mais le curé a signalé qu'elle résidait à entrechateaux diocèse de Fréjus, c'est le petit plus qui a permis de découvrir la véritable origine des Serre qui vient d'être relatée.


La triste destinée de Marie Anne Surle

Lorsque Jean-François qui travaille à La Garde depuis 4 ans épouse Marie Anne, celle-ci est veuve et bien qu'elle soit plus âgée que lui, elle est encore très jeune, elle n'a pas 27 ans. Que lui est-il arrivé? Ce sont les registres de la ville d'Hyères (ou Yères comme on disait à l'époque) qui nous en font part et qui sont en fait une suite de faire-part de décès. Reconstituons sa première vie en pays hyérois avant qu'elle devienne notre ancêtre. Elle est née dans la ville des palmiers, mais comme presque tous nos ascendants, dans une famille de travailleurs agricoles. Elle en épouse un en 1739, Guillaume Laugier qui a 35 ans, âge que le greffier de l'acte leur attribue à tous deux, voilà un curé qui n'est pas très physionnomiste, c'est le moins que l'on puisse dire, elle n'a pas 20 ans. Le jeune couple a un bébé, Joseph, pour le jour de l'an 1741 mais celui-ci ne vivra que pendant le mois de janvier. Un nouveau garçon naît en mars 1743 puis une fille Elizabeth en mars 1745. Et là tout s'enchaîne tragiquement au mois de septembre. Le garçon décède le 2 puis c'est le tour d'Elizabeth le 26. Enfin, pour achever, c'est leur père Guillaume qui les suit dans la tombe deux semaines plus tard.

Marie Anne a 26 ans, elle a perdu son époux et ses trois enfants, elle se retrouve seule, notre histoire est un vrai mélo! On comprend qu'elle ait pu trouver consolation en épousant 6 mois plus tard notre gentil aïeul Jean-François (avec une grande objectivité j'ai décidé que tous les ancêtres Serre étaient gentils).



L'existence d'une première génération de Serre à La Garde

Tout laisse à penser que le jeune homme venu d'Entrecasteaux en laissant sa mère âgée et percluse d'infirmités (dixit le curé de La garde) n'avait pas eu l'occasion de faire de longues études à Entrecasteaux compte tenu de la situation sociale catastrophique dans laquelle se trouvait la nombreuse famille après le décès du père. Il a donc fait ce qu'il a pu avec des petits travaux agricoles dans la commune de la Garde et les avoisinantes. Jean-François et Marie Anne auront cinq enfants qui naîtront tous là. L'aîné Jacques François né fin 1749 (ce n'était sûrement pas une première grossesse) aura une existence brève de onze journées. Honoré naît ensuite en 1752, il deviendra notre ancêtre, nous en parlerons donc un peu plus tard.  Nous n'avons pas su ce qu'était devenue la fille qui le suit en 1754, Marie. Un autre garçon, Guillaume qui naît en 1757, ne vivra que 4 années, il meurt en octobre 1761.

Le benjamin Jean-François né un mois après ce décès fera ce qu'il pourra pour le maintien du nom Serre dans la commune, puisque l'autre garçon qui a survécu (notre ancêtre) va la quitter . Il s'est en effet marié avec une jeune fille de La Garde, Marie Anne Pastour . Ils auront 7 enfants entre 1787 et 1804. D'abord une fille Marianne Félicie en 1789. Ensuite un garçon Denis qui décède en 1793, information sous réserve, les registres de La garde en cette période révolutionnaire donnant quelques marques d'instabilité. Le garçon suivant, Joseph nait en 1795 mais meurt l'année suivante à 18 mois.

Puis des jumelles Marie Virginie et Magdelene en 1798, la première nommée décède l'année suivante. Deux garçons naîtront encore et décèderont rapidement, Augustin en 1803 à un an et Joseph Frédéric en 1804 à 3 mois. Ce qui portera un coup fatal à marie Anne qui meurt juste après en 1804 à 38 ans. Ainsi aucun de leurs quatre garçons n'avait pu dépasser la première année d'existence, ainsi qu'une fille. Restent deux filles seulement, dont on ne peut qu'espérer qu'elles aient (sur)vécu. En tout cas plus de Serre de ce côté là. La malédiction a encore frappé.

Elle avait frappé un autre grand coup beaucoup plus tôt avec le décès de Jean-François quelques mois après la naissance du benjamin,dès 1762, à 39 ans seulement, après 16 années de mariage avec Marie Anne.

Il ne faudra donc compter que sur l'autre garçon qui a survécu du couple qui était venu s'installer à La Garde. Mais il partira asseztrès jeune pour chercher fortune ou plus prosaiquement rechercher des travaux journaliers dans tout le département tôt de la commune pour mener une vie de travailleur agricole plutôt errante.


ll n'y a plus de Serre à La Garde

Après avoir subi très jeune à Hyères l'anéantissement de sa famille, Marie Anne s'est donc retrouvé à nouveau veuve, à 43 ans, mais cette fois elle n'a perdu "que" deux enfants, trois autres sont en vie, le dernier a 2 ans. Elle vivra encore 26 années à La Garde pour s'éteindre en 1789 à quelques jours de la prise de la Bastille. Mais quelle existence a-telle pu mener, entre deuils et galère économique pour survivre! Pour le triste palmarès de l'ancêtre la plus malchanceuse, nous avons rencontré de sérieuses candidates et je vous promet que ce n'est pas fini, mais avec Marie Anne et sa belle-mère Clere, nous pouvons difficilement faire mieux, ou plutôt pire!

Cette percée des Serre à La Garde aura donc duré une quarantaine d'années seulement. Il n'y en aura plus jusqu'au milieu du 19ème siècle. Ainsi on peut voir que dans le premier recensement de la population en 1836, pas un seul des 2572 Gardéens ne porte le nom de Serre.


générations 5 et 4 - Près d'un siècle d'errances en littoral varois

Notre survivant Honoré est certainement resté proche de sa mère jusqu'à son décès, après quoi il est parti pour ne plus revenir.
Né en 1752, il n'avait pas encore 10 ans lorsque son père est décédé sans avoir réussi à s'implanter à la Garde. Honoré va alors tenter sa chance ailleurs, dans les communes avoisinantes. Mais là nous avons un trou dans son emploi du temps. Sa première trace dans un acte d'état civil est en 1783 l'annonce du décès (cela commence bien) à la Garde d'une fille de 1 an Marie Anne dont la mère est Marie Isnard. Pas moyen de savoir où et quand ont eu lieu leur mariage et la naissance de ce premier (ou supposé tel) enfant. Aucun des registres des 11 communes avoisinantes n'a fourni la réponse. Celle-ci nous aurait permis de connaître les origines de cette nouvelle ancêtre.

L'ambiguïté sera présente pour chacun des trois ou quatre autres enfants qui vont naître. Si la déclaration la même année 1783 de la naissance d'une fille Marie Fortunée, est faite à La Garde, on découvrira plus tard l'annonce du décès à Hyères en 1816 de leur fille Marie Elizabeth Serre journalière avec son mari Joseph Gibert dans cette commune; elle serait née 32 ans plus tôt à Toulon, mais il n'y en a pas trace. L'âge correspond, il s'agit vraisemblablement de la même personne, qui a modifié son prénom et à qui on a attribué (la déclaration du décès a été faite par un infirmier de l'hospice d'Hyères) un lieu de naissance erroné. Pour les deux garçons qui complètent la famille, les déclarations sont faites à Pierrefeu, mais avec la mention "de La Garde" pour père et mère. C'est le cas pour Jean-Baptiste né en 1788 et mort en 1789.

Ainsi que pour Joseph Etienne notre futur ancêtre en 1790. On a compris que la recherche de tâches agricoles (certainement à la journée) amenait à se déplacer, mais la déclaration de naissance doit être faite dans le lieu de résidence. Celle-ci changeait souvent, la famille était parfois hébergée sur le lieu de travail, ou alors le chef de famille se déplacait seul dans la commune pour un travail très temporaire.



La vie discrète et laborieuse d'Honoré

Ces conditions de vie nomade nous privent d'informations sur la vie de cette famille. Des naissances ont été décelées dans plusieurs communes, peut-être y en a-t-il eu d'autres. Ce qui est sûr est que 4 années après la naissance de notre ancêtre Joseph Etienne, soit en 1794, Marie Isnard décède à Pierrefeu, l'acte en date du 5 ventose an 2 en fait foi. La seule information personnelle qui nous est fournie, en dehors du fait qu'elle est l'épouse d'Honoré Serre, est qu'elle a 40 ans. Avec la réserve d'usage, l'acte de décès étant suivant la règle, rédigé d'après les dires de deux personnes étrangères à la famille, elle serait donc née en 1754 on ne sait pas où.

Encore une ancêtre qui meurt à 40 ans, j'ai l'impression de vous reservir le même plat à chaque fois. Il n'est pas surprenant de découvrir un peu plus tard un acte de mariage d'Honoré, aussi à Pierrefeu. Ses quatre enfants vivants ont entre 4 et 12 ans, c'est une veuve originaire de Méounes qui viendra en aide à Honoré. Elle s'appelle Marie Merigo, elle a 47 ans et peut-être des enfants.

S'il y a eu d'autres lieux de travail et/ou de résidence de la famille dans les villages de l'est toulonnais, l'histoire n'en a pas gardé trace. Nous retrouvons 20 ans plus tard Honoré à Hyères, en un territoire qui deviendra commune de La Crau par la suite. Il y décède en décembre 1816, quelques mois après et dans le même lieu que sa fille Marie-Elizabeth. La déclaratiion faite par un voisin laboureur et un ami indique qu'il est veuf de Marie Isnard mais ne fait pas mention de sa deuxième épouse.


Nos ancêtres de la côte

Non je ne veux pas remonter jusqu'à nos tout premiers ancêtres du paradis perdu en parlant de la côte. Il s'agit simplement de la Côte Varoise, de la Seyne à Saint-Tropez en ce qui nous concerne. La saga des Gibelin agriculteurs a eu pour cadre le centre Var, ils sont partis du pays dracénois pour arriver à La Garde par le Cannet des Maures et Carnoules. Les Serre, d'autres agriculteurs, sont d'origine un peu plus nordique, dans le haut Var, ils arriveront une première fois à La garde, puis navigueront sur les communes proches du littoral pour revenir à La garde en longeant la Méditerranée, rejoints par leurs alliés Lamoudru purs toulonnais et premiers urbains de la famille.

La fusion ultérieure à la Garde avec les Bouvant amènera d'autres ancêtres varois, cette fois septentrionaux en bordure des Basses-Alpes, qui termineront à Saint-Tropez. Vous avez ainsi beaucoup de chance, amis lecteurs, de découvrir grâce à moi (il et vrai grâce surtout à mes parents) cette région varoise qui est sans conteste la plus belle et la plus attachante de l'hexagone. Et c'est vrai car nous n'exagérons jamais  nos propos, il faut être bien clair pour les Parisiens ou les Bretons qui confondraient la rade de Toulon avec le Vieux-Port de Marseille. Parlons donc de ces Serre de la côte.


Des agriculteurs itinérants

A la mort de son père à Hyères en 1816, Joseph Etienne avait 26 ans, il travaillait aussi dans les communes de l'est toulonnais, de Pierrefeu à La Garde ou Hyères. ll se marie certainement dans une commune voisine, avec Marie Rosalie Astier et travaille à Pierrefeu lorsque naît leur premier enfant connu, Paulin en 1820.

La petite famille va ensuite s'établir à Grimaud, qui accède à la mer sur le golf de Saint Tropez, où Joseph Etienne s'est fait embaucher comme bouvier. C'est là que naîtra en février 1823 Honorine Marie. La famille est alors logée dans la campagne de sieur Deloube au quartier des Mures.

Deux ans plus tard il va travailler dans la commune voisine de Gassin, où naît en 1825 une autre fille, Marie Virginie. Il sera défini par l'officier d'état civil comme "travailleur de Pierrefeu résidant dans le terroir de Gassin".

Cette résidence va se prolonger quelque peu puisque va naître ici quatre ans plus tard notre aïeul Félix Marius, le jour de l'an 1829. L'acte malmène sa mère qu'il nomme Rossoline Asquier. Les deux témoins sortent de l'ordinaire de la lignée des Serre. L'un est douanier à Saint-Tropez (qui ne possédait pas encore sa gendarmerie) et l'autre chirurgien à Gassin.

Toujours dans la presqu'île de Saint-Tropez, c'est dans la commune de Ramatuelle où Joseph Etienne travaillait alors que naquit Marie le 20 janvier 1832 qui va décéder en 1834 à l'âge de 2 ans, toujours à Ramatuelle. Son décès sera suivi quelques jours plus tard de celui de sa soeur Marie Virginie qui était née 9 années auparavant à Gassin. Marie Rosalie eut un autre enfant François Marius en 1835, toujours à Ramatuelle, ce sera son dernier enfant, elle avait alors 46 ans.

Pour notre famille itinérante, il faut compter sur le hasard (ou la chance) pour en savoir plus. Dans notre cas, c'est bien plus tard, à l'occasion du décès en 1855 de Marie Astier, l'épouse de Joseph Etienne (lui-même décédé 7 ans plus têt à Hyères) que nous seront dévoilées deux informations bien cachées jusqu'alors. D'une part, la personne qui déclare son décès étant son gendre nous révèle, par son mariage à Pierrefeu en 1741 avec une nommée Honorine Marie Serre, l'existence de celle-ci, fille de Joseph Etienne et de Marie Rosalie, que sa naissance à Grimaud avait laissé jusqu'alors dans la clandestinité.

Et puis un deuxième fait de haute importance, l'origine de Marie Rosalie ainsi que le nom de ses parents qui ont mérité une recherche plus approfondie. Cette branche d'ascendants vivait en effet en profond arrière-pays niçois, terroir qui à l'époque appartenait au royaume de Sardaigne. Son histoire dans les villages de La Croix-sur-Roudoule et Daluis est très intéressante, elle mérite un tiré à part consultable ici.

Gassin pays natal de Félix Marius Serre

acte de naissance Félix Marius père de Pépé



Dans ce petit village de l'est varois naquit en 1829 notre bisaïeul Félix Marius Serre.  Allons faire une petite visite. Nous sommes dans la presqu'île de Saint-Tropez qui est constituée de quatre communes. La plus connue lui a donné son nom, c'est le port de Saint-Tropez, que la famille Bouvant a colonisé bien avant que BB le rende célèbre. C'est donc pure coïncidence que l'autre branche de notre famille soit apparue au même endroit. Ramatuelle et La Croix-Valmer sont les deux autres communes très connues et fréquentées à la fois par la foule estivale et les vedettes du show-biz, car elles ont un bel accès avec plage sur la Méditerranée.

La quatrième commune, notre Gassin, est plus réservée. Son accès à la mer se situe sur le golfe entre saint Tropez et Grimaud qu'avait habité notre famille en formation et qui est bien connu de ce jour grâce à, ses marinas. C'est un endroit que les touristes évadés de Lutèce essaient de traverser au plus vite. Ils sont en effet épuisés, après des dizaines d'heures de bouchons et sortent tout juste d'une attente de deux bonnes heures pour traverser le carrefour de la Foux, à seulement quelques kilomètres de pouvoir jouer aux boules sur la place des Lices ou de prendre une glace sur la terrasse de Sénéquier (entre nous, puisque nous sommes en famille, ils feraient bien mieux d'aller consommer au grand bar d'à côté propriété de nos cousins de la branche Bouvant). Ce qui fait l'intérêt de Gassin n'est pas sa plage, c'est justement son emplacement au milieu des terres dans la presqu'île, sur un promontoire de 150 mètres de hauteur qui a contraint ses maisons à s'étirer sur une étroite bande. De là se présente à vos yeux le plus beau point de vue de la Côte d'Azur, la Méditerrannée est au nord, à l'est et au sud de la presqu'île. Gassin est reconnu comme l'un des plus beaux villages de France.



Passage à l'ouest du Var d'abord à La Crau d'Hyères

Mais si la presqu'île de Saint-Tropez paraît un lieu enchanteur pour les aoûtiens actuels des cités, elle ne l'était guère pour les paysans du 19ème siècle en un pays à la sécheresse endémique. C'est donc à La Crau, commune jouxtant à la fois Hyères et La Garde dans l'ouest du département, que Joseph Etienne vint exercer ses talents de travailleur, terme assez imprécis comme l'était en centre Var celui de ménager. Si le territoire des Gibelin a toujours été ancré au centre du Var, les Serre du 19ème siècle ont par contre essayé de vivre, on serait tenté de dire de survivre, dans des communes du littoral. Toutes ont en effet un accès à la mer, avec de belles plages. Mais n'allez pas croire que Joseph Etienne ou son fils félix Marius étaient des adeptes du bronzing. Que l'on se rappelle que ce terme est d'invention récente. Ce sont les Anglais qui sont venus d'abord à Hyères justement avant d'aller se promener à Nice, qui ont lancé la mode de ces plaisirs balnéaires découverts plus tard par les Parisiens. Donc pas question pour nos ancêtres d'aller se vautrer sur le sable. Ils passaient de longues journées à trimer sur des terres peu fertiles écrasées de soleil. Leur teint hâlé ne devait donc rien à l'ambre solaire dont se couvrent nos aoûtiens contemporains.

La Crau était à l'époque un quartier d'Hyères. Son nom était d'ailleurs La Crau d'Hyères., les actes civils étaient distincts mais regroupés dans le même registre, ce qui ne facilite pas la recherche. On comprend que Joseph Etienne ait pu retrouver du travail dans cette commune qui a toujours été un centre de culture florale important. Des relations suivies des Serre puis des Bouvant ont toujours existé avec des familles de cette commune, dans le quartier de la Moutonne (famille Méric) et à la Giavi tout près du centre d'Hyères. L'auteur de ces lignes se souvient très bien des magnifiques serres et fleurs en pleines terres avec des montagnes d'oeillets, gerboras et strelitzias cultivées par la famille Vachier. Les personnages attachants de cette famille étaient les représentants typiques de ces paysans burinés attachés à leur terroir. Quant au nom du chef de famille, Marius Vachier, qui serait difficle à porter de nos jours, il était très apprécié alors, j'ai rencontré un certain nombre d'homonymes complet du sien dans plusieurs communes proches de Toulon. Ce nom est aussi celui d'une de nos ancêtres "sardes" en arrière pays niçois comme vous pouvez le lire dans le tiré à part consacré à cette branche exotique.

Ainsi Joseph Etienne viendra en ces lieux terminer son existence, il décède en 1848 dans la commune de Hyères, comme son père Honoré 32 années auparavant. Il s'est ainsi rapproché au plus près de La Garde que celui-ci avait quitté un demi siècle auparavant.


génération 3 - Reconstitution d'une famille Serre à La Garde

Bref générique des nouveaux acteurs

Compte tenu de ce que notre relation arrive en une période presque contemporaine, que ses protagonistes sont pour une part encore présents en ce monde et que de plus tout cela restera entre nous, les personnages seront souvent évoqués avec le nom plus familier sous lequel nous les avons connus et appelés. Voici le casting :

  • Félix Marius Serre venu de Gassin à la Garde pour faire le boulanger et de nombreux enfants.
  • Antoinette Euphrosine Lamoudru, une gardéeenne d'origine toulonnaise dont la famille alliée nous ouvre des horizons inédits, elle était marraine et proche d'Olinde sa petite fille.
  • Rolin et Sabine Olinde Gibelin, dont je tiens à garder les prénoms romantiques. De plus, vous ne voudriez tout de même pas que je traite d'arrière grand-père ou de "grand pépé" cet aïeul qui restera à tout jamais un jeune homme de 25 ans.
  • Leur fille Augusta qu'il ne m'a pas été possible d'appeler Mémée.
  • L'époux de celle-ci, Laurent Serre. fils de Félix et d'Euphrosine. Lui c'était notre gentil Pépé Serre à la barbichette.
  • Leur fille Olinde, notre Maman ou Mamy pour nos enfants.

  • Les personnes qui suivront dans la généalogie ne font pas partie de la présente distribution :
  • L'époux d'Olinde, Eugène Bouvant, appelé aussi Papa ou Papy
  • Leurs huit enfants Suzanne, Denise, Emile, Janine, André, Micheline, Gérard, Hervé (c'est l'auteur du présent monument littéraire; s'il se cite en dernier, ce n'est pas par modestie, mais parce qu'il est vraiment le dernier).
  • Une deuxième génération close, ce sont les 15 enfants de la fratrie précédente dont douze sont nés sous le nom Bouvant.
  • Puis une génération probablement close en 2014 avec l'arrivée d'un tardif 30ème membre.
  • Quant aux générations futures, de nombreux acteurs sont pressentis, un certain nombre de candidats ont déjà été retenus, mais il reste beaucoup de places à pourvoir. D'autres que moi pourront vous en dire plus.


  • La rencontre d'un paysan et d'une jeune fille de la ville
    C'est à partir du territoire de La Crau que le jeune Félix qui a 19 ans va avoir l'occasion de rencontrer une jeune habitante de La Garde. On se plaît à imaginer, en se remémorant les souvenirs de Maman, que cela se passa au point de jonction de leurs deux communes car il y avait en ce lieu, nommé La Pauline, bal tous les samedis soir. La jeune fille qui allait devenir mon arrière grand-mère répondait aux délicieux noms d'Antoinette Euphrosine Lamoudru. Elle était née à La Garde en 1838 où son père Jean François menuisier et sa mère Rose Mélanie Boyer étaient venus s'établir. Ils ne venaient pas de très loin, étant tous deux de Toulon. faisons donc connaissance avec la première branche urbaine de la famille.


    Les Lamoudru de Toulon

    C'est autour des années 1830 que les parents d'Euphrosine sont venus habiter à La Garde qui offrait certainement plus de possibilité pour le métier de Jean-François. Ils s'étaient mariés à Toulon en mai 1824, lui avait 25 ans, elle 21.

    La mère du marié, Magdeleine Françoise Ordy était décédée 9 années auparavant. Elle était née en 1775 de Jean Laurent Ordy né en 1729 et Gabrielle Merei, le tout à Toulon. L'acte de naissance du marié en date du 8 pluviose an 7 autrement dit 27 janvier 1799, nous en dit plus sur son père Jean François Lamoudru qui ne s'était pas cassé la tête pour prénommer son fils, et lui a aussi fait partager son métier de menuisier. Toutefois sa spécialité à lui sortait du cadre de la fabrication de meubles. Il travaillait en effet à l'arsenal de la marine comme calfat terme utilisé pour qualifier l'activité de calfatage avec étoupe et goudron des bardages des ponts en bois des navires de l'époque. Son fils notre trisaïeul viendra à La Garde pour exercer une menuiserie plus traditionnelle.

    Quant à la mère d'Euphrosine, de son nom de jeune fille Rose Magdeleine Boyer, elle était née lorsque ce siècle avait deux ans pour employer une expression hugolienne. L'acte de mariage de 1824 avec Jean-François nous apprend une chose intéressante par la grâce du greffier. Sa mère Marie Magdeleine Adélaïde Consauve née en 1782 était bien présente mais son père était décédé. Et les circonstances de son décès sont relatées par l'officier d'état civil, ce qui est tout à fait inhabituel, puisque les actes de décès ne mentionnent jamais la cause de ceux-ci. On lit donc que Rose est la fille majeure de feu Antoine François Boyer maître voilier en son vivant décédé sur le vaisseaau Duquesnoy le vingt cinq prairial an onze.

    Nous venons de découvrir un deuxième ancêtre qui meurt très jeune de mort violente dans l'année qui suit la  naissance de sa fille. Pas plus que l'accident en gare de Carnoules pour Rolin Gibelin, nous ne connaissons les circonstances exactes de ce drame de la mer. Mais la date de cette mort, 19 décembre 1803, nous situe en pleines turbulences navales de l'ère napoléonienne. Ce n'est pas encore Trafalgar qui surviendra deux années plus tard, mais déjà une période de défaites de notre empereur qui n'était vraiment pas un stratège naval. Il y a donc grande probabilité pour que le navire de notre ancêtre ait été coulé par une frégate anglaise. Nous revivrons un autre épisode semblable dans la famille Bouvant près de 140 années plus tard à Mers-el-Kébir.

    Ainsi nos ancêtres Boyer et Lamoudru ont apporté, que ce soit par leur présence au sein de l'arsenal ou sur les bâtiments de guerre, une note marine à notre ascendance. Son absence aurait été anormale, en étant si proche du plus grand centre de la marine nationale.


    Félix Marius et Euphrosine Antoinette se marient

    Félix qui a 25 ans a laissé ses parents à La Crau car son projet est de devenir boulanger. Il s'est placé comme apprenti chez Adélaïde Roux, veuve du boulanger Esmieux, qui vit seule dans le faubourg Sainte Anne et peut donc l'héberger. Félix et Antoinette se marient en la maison commune de la Garde, l'acte fournit des informations anecdotiques sur les personnages de l'époque.
    Le marié se déclare maître boulanger. Ses parents ne sont pas là, ils sont tous deux décédés lui à La Crau en 1848, elle à Pierrefeu en 1855. Un léger micmac administratif nous montre que les greffiers municipaux deviennent moins laxistes sur les prénoms des protagonistes. Le futur époux, Félix, qui est interpellé, doit affirmer sous serment que c'est par erreur de la mairie de la Crau que son père Joseph Etienne a été déclaré dans son acte de décès sous le nom de Jean Baptiste. Il y a des témoins aux noms provençaux tels Sabin Arène ou Justin Mussou qui donnera son nom à la célèbre fanfare de La Garde dont notre pépé Serre sera plus tard le doyen durant de nombreuses années. Mais ne croyez pas à une blague provençale quand le responsable de l'acte de mariage termine par "moi Marius Olive maire", car c'est vraiment son nom.

    A son mariage en 1857, Euphrosine était encore très jeune, il le fallait car elle allait avoir 11 enfants. Dans ses souvenirs Olinde (ma mère, donc maman, donc mamy) raconte qu'elle ressemblait beaucoup physiquement à cette grand-mère avec laquelle elle aura en commun d'avoir subi, pardon il faut écrire d'avoir été comblée par onze grossesses.


    La boulange, ce n'est pas toujours du gâteau

    Félix a choisi ce métier pour se sortir de celui de son père, travailleur, terme sous-entendant que l'on accepte n'importe quel petit boulot. Celui de boulanger est dur, noble mais semble-t-il pas toujours florissant. C'est ce que laisse à penser la suite des qualificatifs professionnels de Félix dans les pièces à caractère administratif qui manient parfois de façon tout à fait fortuite l'ironie voire la cruauté. Quand le jeune Félix apprenti boulanger chez dame Roux fait inscrire maître boulanger sur son acte de mariage, c'est peut-être pour épater Euphrosine et le reste de la galerie. Les autres actes civils et la situation décrite par le recenseur de population remettent les choses en place. Il est ouvrier boulanger, il a un patron. Et que se passe-t-il lorsque pendant deux ans il est déclaré vendeur ambulant? Quant à la profession d'agriculteur ou de propriétaire ce doit être ce qui peut être nommé comme activité lorsque l'âge arrête la boulange.


    De nombreux petits Serre naissent, peu survivent

    Le jeune boulanger et son épouse s'installent à La Garde quartier Saint Maur. Euphrosine va avoir de nombreux enfants. Le journal d'Olinde le disait mais en lui en attribuant 11, elle se trompait sur le nombre d'enfants nés. Elles avaient eu en fait toutes deux 11 grossesses et huit naissances. Le drame d'Antoinette Euphrosine est que nombreux sont ceux qui sont morts en bas âge, maman signale que seuls quatre survécurent, parmi lesquels son père était le seul garçon.

  • Jean Marius né le 7 juillet 1858 est décédé alors qu'il avait à peine vécu 10 mois.
  • Fanie félicie Marie née le 2 août 1861, est décéde à 20 ans à la Garde
  • Magdeleine Joséphine Agathe née le 9 février 1865
  • Pierre Honoré Robin né le 18 mai 1867 n'a vécu que 23 jours.
  • Pierre Marius né le 5 mai 1869 est décédé avant son premier anniversaire, à 10 mois.
  • Laurent Charles né le 22 janvier 1871
  • Marie Baptistine née le 2 septembre 1873
  • Rose Jeanne Félicie née le 1 février 1876.

    naissance de laurent Serre, futur Pépé

    Trois filles ont survécu :
    Magdeleine vivait avec François Rimbaud chez ses parents en 1891, année où naquit sa fille Magdeleine.

    Marie-Baptistine s'est mariée le 5 juin 1902 avec François Michel Curti, carrier, dont les parents étaient venus de Turin. Elle est décédée à 31 ans seulement le 27 février 1905.

    Rose est tailleuse quand elle se marie le 9 septembre 1897 avec Célestin Doulonne, maçon de 24 ans, originaire du Val (centre Var) où son père est tanneur. Ils auront trois enfants, Louis naît en aout 1898 mais décède à 19 mois en mars 1900.
    Naissent ensuite Marie et Michel, qui seront les compagnons de jeux de Maman, ils ont vécu en effet dans la même maison. Michel Joseph Louis est né le 21 décembre 1902, il se mariera le 5 novembre 1924 avec Augustine Marguerite Boujard. Je donne ces précisions en songeant qu'elles auraient fort intéressé notre mère, qui avait joué dans la rue du jeu de paume avec le petit garçon, elle n'a jamais su ce qu'il était devenu; ils ont en effet quitté tous deux la région pour se marier sous d'autres cieux.

    C'est à l'époque de la naissance de Pépé en 1871 que Félix et Euphrosine vinrent s'installer au coeur du village rue du jeu de Paume, ils résidèrent dans cette maison de ville jusqu'à leur mort.


    génération 2 - La jeunesse de Laurent Serre

    Laurent restera le seul garçon de la liste des enfants de Félix et Antoinette Euphrosine (ce deuxième prénom est vraiment charmant, il est très peu attribué aux enfants de nos jours, certainement parce qu'aucune chanteuse se produisant à la télé le porte, c'est dommage!). Il a donc grandi au coeur du vieux village et n'avait que peu de distance à parcourir pour aller à l'école près de la grande place. Peut-être a-t-il joué au mitron pour donner un coup de main à son père dont il était le seul fils. Toutefois il a préféré acquérir un savoir-faire de serrurier. Il travaillera ainsi toute sa vie comme ajusteur ou ouvrier serrurier à l'arsenal maritime du port de Toulon. Une bonne distance à parcourir, mais si les moyens de locomotion n'étaient pas très véloces, le peu de circulation rendait certainement la durée du trajet plus courte qu'actuellement quand les véhicules font du sur place entre la Garde et Toulon.

    Nous avons une belle photo de Laurent Serre, certainement prise lors de son service militaire, les uniformes des soldats de l'armée française étaient alors d'une superbe couleur garance, ce qui permettait aux teutons qui revenaient nous envahir tous les trente ans, de les tirer comme des lapins. Le bleu horizon sera moins visible mais n'évitera pas la boucherie en 1914.

    La maison natale d'Olinde au coeur de la Vieille Garde

    Si vous allez à la Garde et que vous réussissez à poser vos quatre roues dans le centre (pas évident car le petit village si tranquille est devenu une petite métropole aux portes de Toulon, avec université et CHU) ne manquez pas de voir la Vieille Garde (aucun relent napoléonien dans cette formulation, c'est le nom du vieux village) son château et la chapelle, qui domine toute la plaine de Toulon à Hyères, sur son petit promontoire.
    Pour y grimper il faut emprunter la rue du Jeu de Paume dans laquelle tous les petits et petites Serre dont Maman, ont joué à la marelle. Là se situe sa maison natale. J'ai la chance de posséder une vue d'artiste de cette maison, la voici.

    Son histoire vous intéressera. Olinde notre mère avait été exilée en 1920 dans une ville du Grand Nord (à Lyon pour être précis) où son époux du moment (et de tous les autres d'ailleurs) avait trouvé un emploi de mécanicien. Elle se morfondait quelque peu dans Myrelingues la brumeuse (nom poétique de la ville).
    Nos parents étaient devenus amis d'un peintre belge des Ardennes répondant au nom de Dieudonné Jacobs. Il avait acheté une villa à La Garde et trouvait au cours de ses trajets pour aller et venir de son pays natal, une sympathique étape à Lyon chez Olinde et Eugène. Ses oeuvres ne sont pas toutes au Louvre, mais il jouit d'une sympathique notoriété.

    Il était connu chez lui comme un spécialiste des paysages de fagnes. Vous ne savez pas ce que c'est? il faut vraiment tout vous expliquer, mais ce n'est pas grave car j'aime bien vous en parler. Donc les fagnes, mot wallon, cela désigne des espaces assez sauvages de marais et de collines avec des arbustes tout courbés par un méchant vent. En bref, les Ardennes.

    Ma mère avait une idée fixe, celle de lui faire réaliser un tableau de sa maison du jeu de paume. J'ai compris, en lisant leurs échanges épistolaires, que notre Ruysdaël familial n'était pas très chaud, il y avait toujours quelque obstacle à la réalisation.

    C'était avant tout un naturaliste, il était venu en Provence pour peindre des oliviers et des amandiers en fleurs au bord de la Grande Bleue, alors les rues étroites de la Garde, ce n'était pas sa tasse de thé. Il a quand même pu trouver le temps de faire ce grand plaisir à notre mère, je l'en remercie d'autant plus que je peux en profiter chaque jour. Puisque ous paraissez décidés à monter à la Vieille Garde, vous allez retrouver en 2015 cette rue du Jeu de Paume à peu près comme elle a été peinte il y a un siècle, sachant que de toute façon l'arbre était une fantaisie de peintre, un passage obligé pour le naturaliste


    Quand les Gibelin rencontrent les Serre

    Je peux vous dire tout de suite que cette rencontre s'est bien mieux passée que celle des Gibelin et des Guelfes qui guerroyaient du côté de Florence aux temps pré-médiévaux du Trecento. La mère remariée et sa fille bientôt nos futures ancêtres avaient émigré de Carnoules dans des conditions mal élucidées, les mystères des années écoulées entre la mort accidentelle de Rolin et leur venue à La Garde, restent entiers. Ce qui est sûr est que l'on retrouve Charles Frédéric, son épouse Sabine Olinde leurs enfants en propre Augustine et Théophile, ainsi qu'Augusta fille de Sabine et orpheline de Rolin. Ils habitent, au milieu des années 1890, boulevard Carnot, où la petite famille de Laurent viendra habiter plus tard, dans une autre maison.

    Charles était boulanger à Carnoules, il l'est toujours à La Garde. Et quand un fils de boulanger (Laurent Serre) rencontre une fille de boulanger (Augusta Gibelin), que voulez-vous qu'il arrive? Ils ne vont tout de même pas, comme les ligues florentines, s'envoyer des gros pains. Non ce sera des petits, plus tendres. Enfin c'est comme cela comme je vois les choses faute d'avoir pu récupérer leurs emails ou leurs sms.

    A propos de petits pains, n'allez pas imaginer que vous auriez eu à cette époque la possibilité de vous approvisionner chaque matin, chez mes aïeux Serre ou Gibelin, en viennoiseries au beurre tels que croissants ou petits pains au chocolat, devenus récemment symboles d'une certaine France chrétienne et (donc) civilisée. Il paraît en effet (mais c'est une certitude puisque c'est ma mère qui me l'a révélé), que ma grand-mère a toute sa vie ignoré l'existence du beurre. On est au pays de l'huile d'olive, pas en Normandie, nos ancêtres n'avaient aucun moyen de réfrigérer les aliments pour les exporter, seuls étaient consommés ceux qui étaient produits sur place. Et vous n'avez pas du voir beaucoup de troupeaux de bovins dans la garrigue provençale. Pour mémé Augusta, cette substance beige à l'aspect légèrement écoeurant, que mes parents s'étaient mis à consommer en arrivant dans la capitale des Gaules, ne lui disait rien du tout.

    Une anecdote tout aussi certaine car aussi rapportée par ma mère, nous montre que nos ancêtres proches devaient être sobres en Provence, non pour garder la ligne comme on vous le recommande aujourd'hui, mais parce que les paysans étaient pauvres et la terre peu nourricière. Son père, donc pépé, lorsqu'il était jeune, avait coutume de partager le morceau de pain de son repas (au moins, cela ne devait pas manquer chez Félix le boulanger). Il en faisait deux parts, une grosse qu'il appelait pain, une petite qu'il nommait fromage, ce repas frugal était sa manière à lui de s'en payer une bonne tranche. Moi qui l'ai connu, je peux vous dire que ce trait de caractère colle tout à fait avec l'image qui m'est restée d'un pépé modeste empli de sagesse et non dénué d'humour.


    Mariage de Pépé Laurent Serre et Mémée Augusta Gibelin

    A l'époque du mariage de pépé, dans les années 1895, le foyer de Félix, boulanger, chef de famille et se son épouse Euphrosine, comprenait Laurent, serrurier, Marie lingère, Rose tailleuse, Madeleine couturière avec son mari François Rimbaud charpentier.

    Le 26 novembre 1896, Laurent et Augusta se marient, à La Garde bien sûr. Les témoins sont des collègues de travail, de régiment ou de musique, ainsi que le frère de Sabine Olinde, maître d'hôtel à Toulon. Je suis sûr qu'Augusta a eu un petit pincement en voyant le maire terminer ainsi ... à l'exception de la mère de la future épouse qui déclare ne savoir écrire.

    L'acte civil suivantt est daté du 28 novembre 1897, il relate la naissance le 25 du courant, d'une petite fille prénommée Olinde, Félicie, Justine, Catherine.

    C'est à son propos, et d'après les trop rares propos que nous avions pu recueillir de sa part, que toute cette recherche a été entreprise et relatée ici. Celle-ci va donc se terminer, au seuil du 20ème siècle. En guise de salut à tous les protagonistes qui étaient présents à ce moment là, voici ce qu'ils sont devenus.
    Le recensement de 1901 donne une vue exacte sur leur situation familiale, il y avait alors trois localisations séparées :
  • L'aïeule Antoinette Euphrosine Serre est veuve depuis un an, elle vit avec Marie (qui se mariera l'année d'après) dans la maison du jeu de Paume. Dans la maison voisine réside Magdeleine et son mari Joseph.
  • Rose s’est installée avec son époux Célestin et leur fille au boulevard carnot.
  • traverse de l’Avenir, s'est produit le rassemblement des autres Serre avec les Gibelin, ils vivent sous le même toit ainsi que l'avait décrit le journal d'Olinde. Il y a donc Charles Gibelin, 43 ans, boulanger chez Baret, sa fille Augustine (Titine de ma jeunesse) 21ans, tailleuse chez Gianetti. Sabine Olinde est morte depuis 3 ans et le fils Théophile meurt cette année-là d'une typhoïde à l'hôpital militaire de Saint-Mandrier.
    Côté Serre il y a Laurent, 30 ans ajusteur à l’arsenal maritime, sa femme Augusta Gibelin 25 ans gilettière patrônne et leur fille Olinde qui a 3 ans.

    Le générique de fin

    Félix Marius Serre   est mort à 71 ans le 18 juin 1900. Boulanger de son état, son acte de décès lui fait subir un dernier avatar professionnel en le faisant agriculteur, après avoir été aussi vendeur ambulant ou propriétaire

    Antoinette Euphrosine Lamoudru   décède le 15 septembre 1906   à l'âge de 68 ans. Dans ses souvenirs, Olinde raconte que cette grand mère qui lui ressemblait n'a pas pu attendre sa communion qu'elle voulait fêter avec sa petite fille.

    Sabine Olinde   est décédée le 20 juin 1898 à l'âge de 43 ans seulement, laissant ainsi une énigme de plus, toute jeune grand-mère de ma mère, mère d'Augusta et veuve de Rolin alors qu'elle était encore mineure. Puis épouse du frère de celui-ci sans trace de mariage dans aucune commune voisine, mère d'un garçon, l'oncle Théophile de maman, dont seule sa mort à 20 ans à l'hôpital de la marine de St mandrier nous est connue grace aux registres de celui-ci.

    Charles Félix Gibelin,   le petit frère de Rolin, l'époux (quand, où?) de Sabine Olinde, le veuf que ma mère a si bien connu, qui l'appelait sa marquise et que du coup tout le monde appelait le marquis, est mort en 1937. Il était resté veuf écrivait ma mère mais comment a-t-elle pu ignorer son mariage en 1902 (j'ai découvert celui-ci sur un acte de Carnoules) alors que les deux familles vivaient dans la même maison?

    Laurent    pépé Serre, a mené une vie apparemment sans histoire et pris sa retraite de l'arsenal à un peu plus de 50 ans, il est décédé en 1962 à 91 ans. Il était devenu une figure familière de la Garde pendant ces 40 années de retraite toujours dans son petit appartement du boulevard Carnot. Tout près de la place centrale de la République, du terrain de boule, du café des ... et surtout du local de la fanfare Mussou. Il en a été le doyen pendant tant d'années! En 2010 nous avons rencontré le maire et certains anciens qui tous parlaient avec émotion de Pépé Serre. Ses petits enfants de Lyon se réjouissaient chaque année quand il venait pour deux mois en hiver, il se promenait pendant des heures le long du Rhône.
    Augusta Victoria   n'a pas vécu assez longtemps pour que son plus jeune petit fils la connaisse, il en a retiré l'impression d'une femme qui sur les photos est toujours vêtue d'une façon modeste à l'ancienne. Et dont l'histoire de sa vie, de la mort de son père, de sa mère énigmatique, de ce que ceux qui l'ont connue peuvent dire, laisse à penser qu'elle n'ait guère été heureuse.

    Olinde n'était déjà plus Gibelin, elle n'a plus été Serre.
    Les 3 garçons de la fratrie des huit GIBELIN aïeuls maternels, n'ont eu aucun garçon, le patronyme s'éteint donc. Chacun d'eux a eu une fille, ce sont les trois cousines Gibelin :

  • De l'aîné Louis : Héléna qui se maria avec Henri Pellegrin. Leur fille Henriette (notre "cousine Henriette") est restée célibataire, son fiancé était mort dans les tranchées en 1914, elle est décédée en 1990 dans sa maison du Cannet des Maures après une carrière dans l'enseignement.

  • De Rolin : Augusta , notre grand mère, eut bien longtemps après sa seule fille Olinde, un garçon, Robert, qui ne vécut que trois ans.

  • Du benjamin Charles ; Augustine, à la fois cousine et demi-soeur d'Augustine s'est mariée en 1902 avec Louis Giovo; elle est la mère de Charles qui a laissé avec son épouse Anita Agosta, une fille Evelyne.



  • La fratrie survivante des 11 grossesses chez les SERRE aïeuls paternels, n'a laissé qu'un garçon Laurent qui n'a eu qu'une fille Olinde. C'est donc par Olinde Félicie Justine Catherine Bouvant que se termine la relation de l'histoire de ces deux familles attachantes du Var.

    Promenades chez nos ancêtres du pays de la Roudoule, ex Royaume de Sardaigne
    Nos  ancêtres  Sardes  de  l'arrière  pays  niçois

    Comment est-on arrivé à dénicher ces ancêtres exotiques? Lors de recherches assez hasardeuses pour suivre à la trace Joseph Etienne Serre, né à Pierrefeu, travailleur itinérant dans la presqu'île de Saint Tropez pour revenir près de La Garde que son père avait fuie cinquante années auparavant, il nous est apparu, par l'acte de décès de son épouse Marie Rosalie à Pierrefeu, que celle-ci était originaire d'un petit village situé dans les Alpes Maritimes actuelles du nom de La Croix sur Roudoule.


    Pourquoi ce nom de SARDES?

    Ces ancêtres ne se sont jamais réellement appelés ainsi; leur territoire, dans l'arrière pays nicois, a pendant de nombreux siècles appartenu au Royaume de Sardaigne avant de devenir définitivement français. Il est partie intégrante du Comté de Nice qui, après sa formation en 1386, a été rattaché à l'Etat de Savoie, lui-même appartenant au Royaume de Sardaigne. Celui-ci, contrairement à la Provence qui était rapidement devenue française (du temps du Roi René) est resté maître des lieux pendant 4 siècles. Des nombreuses péripéties qui s'enchaînèrent, seules les dernières nous concernent directement. C'est d'abord l'annexion en 1793 par la République Française du "ci-devant Comté de Nice" qui devient le 85ème département français (limité au fleuve Var à l'ouest). Puis sa récupération en 1814, suite à la déconfiture napoléonienne, par le Royaume de Sardaigne dirigé par Victor-Emmanuel 1er. Ceci jusqu'en 1860 lorsque le troisième Napoléon a voulu se racheter, aaux deux sens du mot, du dégât dcausé par son oncle en monnayant ce territoire au troisième Victor-Emmanuel contre l'aide de la France pour chasser les Autrichiens de l'Italie naissante en Piémont Vénétie.

    dddddd dddddd

    1400 : Comté de Nice au Duché de Savoie puis partie du royaume de SardaignedddddddSituation avant 1860

    La langue naturelle des habitants isolés dans un pays montagneux était un patois de provençal, ils ont du ensuite parler italien pendant plusieurs siècles; en 1793 c'est le français qui a été imposé, à nouveau l'italien en 1815 puis définitivement le français en 1860. De quoi perdre son latin qui était d'ailleurs pratiqué par certains curés, leurs actes me sont incompréhensibles. C'est peut-être ce contexte historique, culturel et social, qui a poussé certains habitants à émigrer à cette période. Et permettre ainsi à une jeune fille née à La Croix sur Roudoule en 1789, Marie Rosalier Astier, de venir épouser un Serre à Pierrefeu dans le Var. Elle laissait alors derrière elle une nombreuse ascendance sardo-française dont plus de cinquante ancêtres ont pris place dans notre arbre généalogique.

    Le pays de nos ancêtres

    Les trois communes de la Croix, Daluis et Guillaume forment l'essentiel du Pays de la Roudoule. Celui-ci s'inscrit dans un ancien pays tels qu'il s'en était constitué un grand nombre (476 sur l'ensemble du territoire) avant le découpage en départements. Il s'agit de la Haute Vallée du Var. La carte satellite donne une idée du relief très montagneux.

    dddddddddddd

    Sa situation est claire : c'est la partie ouest de l'arrière pays niçois, jouxtant le département des Alpes de Haute Provence. Les trois communes La Croix sur Roudoule, Daluis et Guillaumes sont riveraines du Var. On le voit bien sur la carte établie autour du trajet de celui-ci. Si l'on part de Nice en remontant droit au nord par Caro sa plaine alluviale, il fait un premier coude sur la gauche, traverse Puget-Théniers et un peu après, à Entrevaux, il oblique à nouveau plein nord. On est en plein pays montagneux. Alors que ses affluents Cians et Roudoule se sont joints à lui au sortir de très belles gorges, le Var attaque maintenant les siennes (ne perdons toutefois pas de vue que nous sommes en train de le remonter) : ce sont les gorges de Daluis. Un peu plus haut, à hauteur de Guillaumes nous sommes aux abords du Parc National du Mercantour. Une partie du territoire de cette dernière commune abrite des pistes de la station de Valberg dont Guillaumes est la porte d'accès. Il ne reste plus au Var que la traversée du Val d'Entraumes pour atteindre sa source au pied du col de la Cayolle. On est bien dans ce qu'on appelle soit le Haut Var, soit l'arrière pays niçois.
    Nos  ancêtres  de  La Croix sur Roudoule
    Un village devenu français pendant la période révolutionnaire

    les éléments biographiques mis à jour sont visibles en cliquant sur l'étiquette de l'ancêtre


    Marie Rosalie Astier qui suivra son époux François Joseph Serre, travailleur itinérant, dans ses pérégrinations entre Pierrefeu et la presqu'île de Saint-Tropez dans le Var, était née en 1789 dans ce petit village de la vallée du Haut Var en arrière pays niçois, quelques mois après la prise de la Bastille. Dans cette contrée montagneuse retirée, la période révolutionnaire a marqué un grand bouleversement pour la population qui est devenue française en 1793 par décision unilatérale de la toute nouvelle République Française. Nous avons la preuve que la langue française qui devient obligatoire et unique, était déjà pratiquée dans cette contrée du Royaume de Sardaigne, en témoignent tous les actes paroissiaux. Par contre le passage de ceux-ci (baptemes, bénédictions nuptiales, sépultures) aux actes d'état civil (naissance, mariage, décès) ne semble pas s'être fait sans mal.

    L'église catholique avait le monopole de ces informations depuis plus d'un siècle, les habitudes étaient donc bien ancrées, et les curés ont continué à tenir tant bien que mal des registres de paroisses parrallèlement ou parfois à la place des actes civils des nouvelles communes, ce qui a nécessité des mises au point de la part des officiers d'état civil désignés ou élus dont une mission était de récupérer tous les actes antérieurs aux nouvelles dispositions ayant créé l'état civil. Les registres en portent certaines traces. Ainsi à La Croix, où le décret de novembre 1792 rendant les actes civils obligatoires n'est arrivé qu'au début de 1794 (!) l'officier républicain s'est rendu dans la sacristie pour récupérer les registres paroissiaux, il en a fait mention après un acte d'ondoiement (baptême pour les morts-nés) rédigé par le curé Raybaud. Celui-ci continuera néanmoins à rédiger ses propres actes, certainement de façon clandestine ou mal publiés.

    On peut en effet trouver vers 1815 toute une série d'actes "religieux" écrits par un curé de cette époque qui ont été reconstitués d'après les témoignages des parents survivants, voire des voisins. Il déplore toutefois que dans de trop nombreux cas il "n'ait pu par le défaut et la négligence des ci-devant baptisés en avoir le positif témoignage". On trouve ainsi pour cette période troublée deux types de registres, ce qui présente pour nous un intérêt car dans les actes paroissiaux sont mentionnés un parrain et une marraine, dans les actes civils, ce sont les témoins requis par la loi. Donc des renseignemnts complémentaires qui peuvent être capitaux pour s'assurer de l'identité du personnage principal. Cela a été le cas pour les frères et soeurs de Marie Rosalie, mais pas pour elle née sous l'ancien régime.

    Lorsque son pays est passé sous la férule du roi de Sardaigne en 1814, elle venait d'avoir 25 ans. Cela a-t-il été l'évènement déclencheur pour elle, voire pour toute la famille Astier, pour passer de l'autre côté de cette frontière qui venait d'être créée, afin de rester français, nous ne pouvons pas en être certains, mais pour elle ce départ sera définitif. C'est à La Croix sur Roudoule, mentionnée comme lieu de naissance sur son acte de décès en 1855, que l'on est venu chercher les origines de Marie Rosalie.

    La Croix sur Roudoule, village perché et hameaux de la plaine

    L'acte de sa naissance dans le village est facilement accessible, à la date du 12 novembre 1789. Il nous révèle que son père Jean Baptiste, ménager de son état (profession attribuée à la plupart des habitants de cette contrée) réside au Villars. Les recherches entreprises quant à son mariage à La Croix sur Roudoule n'ayant pas abouti, c'est l'indication que le parrain et la marraine qui portent le même nom que la mère Marie Jeanne Robion, sont de la paroisse de Daluis qui nous a orienté vers ce village qui sera très riche en ancêtres à partir des Robion, le récit suivant en fera la description.
    Il n'en est pas de même pour les Astier à La Croix. Les recherches systématiques sur plusieurs dizaines d'années ont pourtant fourni l'état civil d'un nombre incalculable d'habitants portant ce patronyme. Parmi eux les Jean Baptiste sont légion, parfois portés par le père et le fils ou deux frères. Ils habitaient pour la plus grande part dans le hameau de Villars, mais aussi les deux autres hameaux Amarines et Leouvé en contrebas du village, que l'on voit très bien sur les photos satellite. Celles-ci montrent que ces hameaux en plaine sont certainement plus proches du Var et de Daluis que du village de La Croix que l'on distingue bien à droite sur son piton rocheux. Pour s'y rendre, il fallait d'abord franchir le ravin des gorges de la rivière Roudoule, puis grimper un chemin dont les lacets donnent le vertige. A n'en pas douter nos Astier de la plaine ne devaient se rendre au village qu'aux très grandes occasions. Il est vrai qu'en ces temps et lieux, on n'avait guère le besoin et encore moins le loisir d'aller faire ses courses et retrouver ses amis chaque jour sur la place du village.

    ddd ddd


    Les photos aériennes rendent parfaitement compte de la topographie des deux villages de la Croix et de Daluis. Le franchissement des gorges, tant du Var que de la Roudoule, ont nécessité au cours des siècles la construction d'ouvrages d'art à la fois originaux et audacieux. La position perchée et isolée de la Croix est cause du maintien de traditions propres à ce village. Ainsi cette journée où tout le village se réunissait pour un repas confectionné par un couple qui se mariait dans l'année. Cette heureuse pratique s'est perpétrée jusqu'à nos jours, elle devient même un sujet d'attraction touristique.

    Déjà habité à l'époque romaine, le site de la Croix fut plus tard occupé par les Templiers et les hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem (futur ordre de Malte). L'apogée du village se situe dans les années 1860 avec l'exploitation des mines de cuivre de Léouvé (70 % de la production française). Le village, étape sur la route vers la vallée de l'Ubaye, comptait alors près de 500 habitants. A 90 mètres au-dessus des gorges de la Roudoule, le spécialiste des ponts métalliques Ferdinand Arnodin (1845-1924), construit un pont suspendu remarquable par sa conception en 1889.

    dd

    Les origines de la famille Astier
    Marie Rosalie était l'aînée de sa famille. Après elle un garçon, Jean Baptiste (prénom incontournable) né le 29 thermidor an III, plus clairement 16 août 1795. Puis naît Marie Françoise Cécile le 20 octobre 1797 (28 vendémiaire an VIII), en version laïque et religieuse. Elisabet le 28 mars 1804 (7 germinal an XII) décède deux semaines plus tard le 11 avril mais si la naissance était religieuse avec parrain marraine, le décès est bien laïc, prononcé dans la salle de la commune avec la nouveau "rite" républicain. Enfin Constance dans le calendrier grégorien retrouvé le 5 mai 1809. Mais pour nous la suite se situe dans la plaine du Var avec les Serre en abandonnant cette petite contrée rude mais attachante.

    En amont, la découverte du mariage de Jean Baptiste à Daluis avec Marie Jeanne Robion le 6 octobre 1788, l'année précédant la naissaance de Marie Rosalie, nous livre bien le prénom de son père Pierre qui est décédé, mais celui-ci (un prénom rencontré rarement chez les Astier) n'a pu être retrouvé sur place à La Croix. L'acte de mariage donne le nom de son épouse, mère de Jean Baptiste, il s'agit de Marie Mandine. Et là il s'agit d'un patronyme totalement inconnu à La Croix. En fouillant dans les registres de Daluis riches en renseignements sur les Robion et leurs ascendants, ce nom a été rencontré dans un acte avec un témoin venant de Guillaumes, la commune mitoyenne à la fois de Daluis et de La Croix.

    Une incursion en pays guillaumais

    Ainsi la commune de Guillaumes devient le troisième village de nos ancêtres sardes. Il est sur le Var, en amont des gorges de Daluis. Les skieurs qui viennent en la station de Valberg le traversent pour monter dans la station dont les pistes sont d'ailleurs en partie sur le territoire de Guillaumes. Situé en un endroit stratégique en une contrée qui a eu un passé mouvementé, il est surplombé d'un château ruiné qui a abrité des siècles durant une garnison militaire. Ce qui donne l'explication de ces actes nombreux (tous de décès bien sûr) concernant des soldats dont certains étaient curieusement irlandais. Les gardiens de la forteresse étaient en effet pris parmi les combattants invalides de guerre venant de différents corps. Abritant près de 1200 habitants au temps de nos ancêtres, Guillaumes en compte aujourd'hui aux alentours de 600.

    ddd ddd


    La dernière ancêtre ayant vécu dans ce village s'appelle donc Marie Mandine que Pierre Astier vient épouser le 8 janvier 1759. Ses parents sont Jean Baptiste et Anne Marie Boutin qui se sont eux-mêmes mariés le 17 juillet 1719 à Guillaumes. L'acte de mariage peu disert ne donne que l'identité de la mère de Anne marie, c'est Marguerite Belon. Cinq enfants naquirent : Joseph en 1724, puis Jean Baptiste en 1729, à nouveau Joseph en 1732 qui n'a pas vécu, puis Anne en 1735, enfin la future ancêtre Marie en 1736. Ce que que firent Pierre Astier et Anne marie Boutin après leur mariage n'a pas pu être établi à ce jour, car on ignore où est né Jean Baptiste, il habitait cependant La Croix lors de son mariage à Daluis en 1788.

    Retour à La Croix sur Roudoule

    Par son mariage en 1759 à Guillaumes, Pierre Astier non identifié par ailleurs, nous a livré le nom de ses parents qui étaient alors tous deux décédés : Mathieu et Marie Petel, de La Croix où nous retournons et retrouvons effectivement leurs traces. Pour eux aussi leur mariage le 2 juillet 1719 à La Croix livrera le nom de leurs parents. Pour Marie c'est JAUME PETEL et HONNORADE PONS et nous n'en saurons pas plus. Pour Mathieu c'est feu HONNORE ASTIER et MARGUERITE RAYBAUD. Une recherche ascendante déniche d'abord, 27 années plus tôt, la naissance de notre ancêtre Mathieu en octobre 1692. Deux années plus tôt il y a eu une filleLouise, en 1690Puis 9 ans avant, celle de Jean en février 1683. Trois années plus tôt, Catherine, en mai 1680. Encore trois années auparavant, celle de Marguerite, en mai 1677. Précédée de deux ans, en juin 1675 il y avait eu Joseph. Et puis, coup sur coup, en avril 1674 et décembre 1673, deux Julie dont les parrain marraine de l'une font penser qu'elle est d'une autre famille (ce qui est une évidence avec seulement 4 mois d'écart) et que le curé a une fâcheuse tendance à donner à l'un des deux parents l'épouse d'un autre. Dans la même année 1673, une autre Astier Honnorade, était née (de janvier à décembre, l'écart entre les deux filles est plausible). Remontant encore deux années une Julie Astier naît en mai 1671. Là pas d'objection, il était très coutumier de donner le même prénom à deux voire trois enfants. Mais notre ancêtre Mathieu étant né 21 années plus tard, il était temps de voir aparaître l'acte de mariage des (jeunes) parents. Nous le trouvons enfin, très vite car il n'y a que quatre mois entre la bénédiction nuptiale le 12 janvier 1671 et le baptême de Julie. Par lui, nous connaissons les identités de nos plus anciens ancêtres cruciens : les parents d'Honnoré, ce sont Janon Astier et Honnorade Roux et les parents de Marguerite qui sont donnés pour JEHAN RAYBAUD et MARGUERITE RAYBAUD qui serait complètement homonyme de sa fille si le curé n'a pas fait d'erreur (mais celui qui signe Allègre vicaire n'est qu'un curé dit secondaire, or seul le pape est infaillible). Ne faisons pas la fine bouche et admettons sans rechigner ces nouvelles recrues dans notre arbre.

    En revenant au bien identifié Mathieu, la compilation de plusieurs sources de registres lui attribue après 1719, date des on mariage avec Marie Petel, cinq naissances : un premier enfant André en 1925, une fille Isabeau en 1726, un fils Antoine en 1732, un autre fils Jean-Louis en 1736 enfin une fille Anne Marie en 1741. Mais point de Pierre que nous avions péniblement découvert se mariant à Guillaumes en 1759. Peu de chance qu'il y ait une naissance en une autre commune, pas de maternités, on accouche à la maison. Mince possibilité suggérée par les 7 années entre le mariage et la naissance d'Isabeau, c'est qu'après le maiage le couple ait passé quelques années dans la commune de naissance (laquelle?) de Marie Petel (car celle-ci n'est manifestement pas originaire de La Croix sur Roudoule). Ou bien que Pierre soit l'un des deux frères Antoine ou Jean-Louis qui avaient l'âge du rôle. Si Pierre et son fils sont indiscutablement nos ancêtres, le lieu et la date de leur naissance nous échappent encore.

    Nos  ancêtres  Sardes  de  Daluis

    les éléments biographiques mis à jour sont visibles en cliquant sur l'étiquette de l'ancêtre



    Daluis campe sur le Var au sortir des gorges qui portent son nom. Le relief est beaucoup plus reposant qu'à La croix sur Roudoule. Les gorges, dont le rouge est dû aux sols de pélite rouge, sont très connues, ainsi qu'une belle rivière souterraine de 700 mètres. Pour les habitants de cette tès petite commune les risques de débordement du Var sont réels lorsque son lit s'étale dans la vallée car il a un régime méditerranéen et grossit donc très vite après de forts orages. En aval il peut dépasser en crue centenale (telle celle de 1994) plus de deux fois le débit moyen du Rhône.

    Mais les gorges prisées aujourd'hui pour tous les sports en torrents, l'alpinisme et le saut à l'élastique, pouvaient être dangereuses pour nos ancêtres. Ainsi que le mentionne certains actes paroissiaux de décès qui en général sont muets sur les causes de celui-ci sauf lorsqu'il s'agit d'accident. L'un d'eux rapporte qu'un habitant "a été trouvé mort aux graviers du var ayant été immergé et tout brisé par un torrent d'eau dans le vallon de Chateleine". Du fait qu'il n'avait pu exécuter sa tâche qui est de donner les "saints sacrements" le curé a demandé aux quatre personnes qui avaient témoigné devant le juge de lui attester "qu'il était bon catholique, avait fait ses paques et avait entendu la sainte messe le jour de son décès".

    le village est réduit à sa plus simple expression, il compte aujourd'hui moins de 150 habitants et n'a jamais atteint 500 âmes au 19ème siècle.Nous avons néanmoins retrouvé la plus grande partie de nos ancêtres, ascendants directs de Marie Jane Robion, ayant vécu dans le village entre 1620 et 1750. Ils sont énumérés ci-dessous (lettres en capitales) il n'y en a pas moins de 38! Avec leurs frères et soeurs recensés, on arrive à 100 Daluisiens et Daluisiennes ayant leur place dans notre arbre généalogique. Si l'on demande aussi à tous leurs conjoints et enfants de venir sur la photo de famille, c'est la population quasi entière de ce petit village qui sera réunie. Quand on aperçoit la quinzaine de maisons visibles sur la photo satellite on se demande même où tous nos anciens résidaient.

    ddd ddd


    10ème génération 11 ancêtres et 11 patronymes

    9ème génération 12 ancêtres et 12 patronymes, dont 6 nouveaux

    8ème génération 8 ancêtres et 8 patronymes, dont 2 nouveaux

    7ème génération 4 ancêtres et 4 patronymes

    6ème génération 2 ancêtres parents de Marie Jane

    5ème génération la fratrie de Marie Jane



    Après son mariage en 1788 avec Jean Baptiste Astier, Marie Jane viendra à La Croix sur Roudoule où naîtront Marie Rosalie l'année suivante puis quatre autre enfants jusqu'en 1809 (elle a alors 44 ans) et décèdera dans son village natal à 69 ans. Entre temps Marie Rosalie aura eu avec Joseph Etienne Serre cinq enfants en diverses communes du Var, Pierrefeu, Grimaud, Gassin (où naît notre arrière grand père Félix Marius Serre) et Ramatuelle, mais ceux-ci n'auront certainement pas connu ce pays du Haut-Var niçois que l'on quitte à regret.


    Nos  ancêtres  ancrés  en rade  de  Toulon

    Laurent Serre, le père d'Olinde, est le grand père des huit Bouvant nés à Lyon après 1920, il était leur "pépé" à la barbichette. Il est né et a toujours habité à La Garde qui était alors un petit village où il faisait bon se retrouver sur la place de la République pour faire une partie de pétanque avant de déguster le pastis entre amis. Où d'écouter la fanfare Mussou dont Pépé Serre, comme l'appelaient eux-mêmes les Gardois, était devenu le doyen. Auparavant il avait travaillé de façon continue à l'Arsenal de Toulon, grand pourvoyeur d'emploi de l'aire toulonnaise, à 6 kilomètres de son domicile, en étant ouvrier en serrurerie.

    Son père Marius Félix né à Gassin était venu travailler comme ouvrier boulanger et s'était installé dans le village vers 1850. Sa mère Antoinette Euphrosine était la fille du menuisier Jean-François Lamoudru venu s'installer à La Garde comme menuisier.

    Voici les trois premières générations ascendantes de Laurent Serre.

    accès aux informations connues en cliquant sur l'étiquette de l'ancêtre

    Les Serre des campagnes et les Lamoudru du port
    Toute la branche paternelle, dite des Serre, vient du Centre Var, ayant vécu au fil des générations à Moissac avant 1600, puis Entrecasteaux, puis divers villages entre le pays toulonnais et la presqu'île de Saint-Tropez, en intégrant lors d'un séjour à Pierrefeu une branche importante émigrée des actuels Alpes Maritimes en haute vallée du Var, au-dessus de Nice, territoire faisant alors partie du Royaume de Sardaigne. Leur histoire est longuement décrite et illustrée dans le site internet intitulé Epopée des Serre.

    La branche maternelle est quant à elle, dans toutes ces premières générations, exclusivement toulonnaise. C'est elle qui va être présentée et commentée dans le présent site.

    Deux structures sociologiques partiulièrement contrastées pour ces deux branches ancestrales. :
    - Les Serre et leurs familles alliées ont au cours des générations vécu en diverses communes rurales, au moins une douzaine, réparties dans l'ensemble du département du Var. Il s'agissait pour eux de vivre, de survivre pourrait-on dire, comme travailleurs de la terre, ouvriers journaliers se louant au gré des besoins agricoles ou au mieux fermiers sans propriété. Cette longue lignée d'agriculteurs prit fin avec Marius Félix lorsque celui-ci vint apprendre le métier de boulanger à La Garde.

    - Les ancêtres de la ville sont les Lamoudru et leurs familles alliées toutes ancrées au bord de la rade de Toulon dont l'essentiel de l'économie provenait des activités engendrées par la Marine Nationale : il y donc eu des marins, canonniers ou maîtres voiliers et surtout des ouvriers travaillant à l'Arsenal. Parmi ceux-ci des charpentiers, menuisiers et des calfats dont l'activité consistait à boucher les trous et les fentes des coques en bois des navires avec un mélange de poix et de goudron. Donc des métiers assurés par la pérennité de l'employeur national, mais pas forcément plus valorisants que ceux de leurs "cousins" de la campagne varoise.

    Toulon, sa rade, son port et la Marine Nationale


    Concentrés sur cette carte, tout ce qui a constitué Toulon se trouve ici réuni. C'est d'abord le port militaire avec la rade et surtout l'arsenal qui est la grande affaire de la ville. Au-dessus de la Place d'Armes, les quartiers modernes illustrés par le boulevard de Strasbourg avec l'Opéra proche et la place de la Liberté. A l'est vers le port marchand, le stade Mayol et le tunnel bien connus des passants et des sportifs. Mais le coeur de la vie populaire est au centre de cette carte, autour de la rue Lafayette avec les rues étroites si accueillantes pour les marins en escale.

    Les recherches généalogiques ne sont pas aisées car il y avait avant la Révolution, deux lieux d'enregistrements des actes de naissances, mariages et décès. Ceux-ci étaient enregistréss par les curés de deux paroisses sous forme de baptêmes, de bénédictions nuptiales et d'inhumations religieuses.

    Les registres les plus nombreux sont ceux de la cathédrale Sainte-Marie-de-la-Seds, située au coeur de la vieille ville populaire et commerçante. On peut apercevoir juste au-dessus de celle-ci sur la carte la rue dédiée à Jean Aicard qui naquit tout près de là. L'autre site d'enregistrements des actes paroissiaux est un peu plus à l'ouest, en l'église Saint Louis. La difficulté tient au fait que les ancêtres qui ont en général habité dans le centre, pouvaient tout aussi bien dépendre de l'une ou l'autre paroisse.

    Un triste constat est fait en consultant les registres de Saint Louis : c'est le nombre très élevé de nouveaux nés dont les parents sont inconnus, leur proportion est parfois aussi importante que celle des enfants déclarés. L'Hôpital ou Hôtel Dieu était tout proche, il disposait d'un guichet où l'on pouvait déposer de manière anonyme tout nouveau-né. Ce devait être la plupart du temps le fruit d'une rencontre d'un marin en escale avec une résidente exerçant le plus vieux métier du monde.

    Antoinette Euphrosine Lamoudru fut l'arrière grand mère des huit Bouvant de Lyon. Toulonnaise de naissance, ses ascendants sont d'une part la branche paternelle Lamoudru, d'autre part la branche maternelle Boyer. Les données inscrites dans les registres paroissiux du grand port ont permis de déployer sur six générations leurs deux tableaux généalogiques qui suivent.

    Ascendants d'Antoinette Euphrosine : la branche Lamoudru accès aux informations connues en cliquant sur l'étiquette de l'ancêtre

    Ascendants d'Antoinette Euphrosine : la branche Boyer
    accès aux informations connues en cliquant sur l'étiquette de l'ancêtre