Le conflit des Dardanelles en 1915



Contexte géopolitique

La guerre fait rage, à l'ouest et à l'est de l'Europe, depuis le mois d'août 1914. Les principaux protagonistes sont d'une part la Triple Entente (France, Royaume Uni, Russie) avec la Belgique neutre mais envahie, ainsi que le Japon, on parlera alors tout simplement des Alliés. D'autre part les empires centraux Allemagne et Autriche Hongrie auxquels se joignit en octobre l'Empire Ottoman. De nombreux autres états entrèrent dans le conflit par la suite, de part et d'autre.

En novembre le lord amiral Churchill propose une action d'envergure pour relier la Méditerranée à la mer Noire et nos alliés russes en balayant au passage Constantinople et l'empire Ottoman. La puissance défensive de la Turquie, solidement armée (avec l'assistance allemande) et implantée sur les rives des détroits à traverser, a été amplement sous-estimée. Ainsi que la difficulté logistique d'envoi et de ravitaillement de nombreuses troupes à de telles distances.

Ce que fut "l'opération des Dardanelles"




Il y eut un premier bombardement des deux forts gardant l'entrée des Dardanelles Siddul-Bahr (Europe) et Koum-Kalé (côté Asie) le 29 novembre 1914 par une flotte anglo-française. Mais les opérations ne purent réellement débuter qu'en février, ce qui a laissé le temps aux Turcs aidés par les Allemands de "blinder" les 2 rives. Une armada de navires de guerre français et anglais vint bombarder ces mêmes forts, essentiellement les 19 et 25 février 1915, puis encore les 1 et 2 mars et encore le 7.
Les forces navales alliées entreprirent de "forcer" le détroit des Dardanelles par une opération d'envergure le 18 mars. En sous-estimant la capacité des Turs de maintenir et de reconstituer les batteries riveraines bombardées en février. Et surtout en ignorant que la menace principale ne venait pas de torpilles (les sous-marins allemands n'étaient pas encore sur place) mais de mines flottantes, qui dérivaient vers l'extrémité du détroit vers laquelle portait le courant. Un petit bateau turc en avait largué en amont. Ce fut une hécatombe de cuirassés et autres navires français et anglais. Certains purent regagner les îles grecques (Lemnos et Tenedos) camps de base pour être réparés. Mais le nombre de morts fut important.

Le commandant des forces alliées Ian Hamilton lança alors une offensive simultanée en faisant débarquer à partir du 25 avril les Français sur la côte sud (Asie) pour une simple diversion (sic), les Anglais sur l'extrémité de la presqu'île à Seddul-Bahr et les "coloniaux" Australiens, Néo Zélandais (ANZAC) et Indiens sur la côte nord, dans le golfe de Saros. Cette date est devenue la fête nationale commémorative en Australie dont c'était la première participation à un conflit armé.

Parvenu à se ménager un petit espace côtier, le corps expéditionnaire ne put progresser. En face les Turcs nombreux et relativement bien formés par les Allemands, avaient truffé les collines et la côte de batteries. Ils étaient commandés par von Sanders et un certain colonel Mustapha Kemal, le futur Ataturk.

L'avancée des troupes est matérialisée par les pointillés. A la pointe de la presqu'île les Anglais et les Français n'ont jamais pu prendre la petite ville de Krithia, ils ont avançé de 4km, il en reste 50 pour joindre Gallipoli ... et 250 pour Constantinople! Au nord les "troupes coloniales" de l'ANZAC sont bloquées autour des plages de débarquement de Gaba Tepé et baie de Sulva.



Après six mois sur place, après 60 à 80 000 soldats tués de chaque côté des belligérants (dont 10 000 Français et 33 000 Britanniques) et un nombre encore plus élevé de décès de civils, le corps expéditionnaire rembarque pour aller aux Balkans en fin d'année, les derniers Français embarqueront en silence la nuit du 6 au 7 janvier 1916.

La Grande Guerre racontée par L ' Illustration

Le journal "L'ILLUSTRATION" né en 1843 était devenu paraît-il l'hebdomadaire le plus populaire au monde. Il n'a pas pu survivre après la deuxième guerre avec la prolifération de concurrents dont le plus important était "Paris-Match". Pendant toute la durée de la guerre 1914-1918, L'ILLUSTRATION reste hebdomadaire et paraît chaque samedi.
  • la couverture affiche toujours en pleine page un dessin ou une photographie en relation souvent directe avec les évènements de la semaine.
  • le nombre de feuillets est variable, pour 22 à 36 pages de textes et de photographies.
  • il y a parfois un ou plusieurs encarts de deux feuilles non numérotées avec à l'intérieur une photo couleur ou un dessin ou une reproduction sur une double page.
  • certains numéros comportent une carte dépliable des régions des pays en guerre en matérialisant les lignes de front.
  • d'autres insèrent une feuille cartonnée sur laquelle est apposée une photo en couleurs d'un général de l'armée française
  • en fin de chaque numéro, un feuillet non numéroté de quatre pages intitulé tableau d'honneur, rend hommage à des soldats tués par une photo et une citation, à raison d'environ 26 par page.

Le contenu des pages est organisé autour de plusieurs thèmes :
  • une sorte d'éditorial intitulé "Les Grandes Heures" toujours écrit par Henri Lavedan en un langage qui voudrait s'inspirer de Victor Hugo, caractéristique de la plume des journalistes du début du siècle, difficilement lisible de nos jours

  • l'essentiel de la revue consiste en de courts reportages en tous lieux, sous forme d'un texte illustré et bien souvent d'une photographie ou dessin "d'après nature" pleine page, exaltant le lecteur par son caractère émotionnel, spectaculaire ou héroïque. C'est au sens propre du mot une propagande s'adressant à la nation pour lui montrer la valeur et le courage de ses soldats. A l'inverse, tout ce qui concerne les actes et documents relatifs à l'adversaire "le boche" dénonce son abjection.

  • de temps en temps un article de plusieurs pages, véritable dossier technique sur des thèmes divers, fabrication d'obus, construction de tranchées ou sujets géopolitiques

  • la rubrique des fronts avancement des combats sur l'ensemble des fronts : l'est et le nord de la France principalement mais aussi nombre de théâtres d'opérations, Russie et Pologne, Balkans notamment Serbie, Moyen-Orient (Dardanelles, Egypte, Syrie...). On trouve ainsi pour chaque "nième semaine de la guerre" un certain nombre de "brèves" en provenance d'autant de fronts. Souvent d'autant plus brèves que l'information circule mal mais aussi et surtout, comme le fait remarquer parfois leur auteur, qu'il vaut mieux ne pas divulguer des faits qui pourraient servir à l'ennemi.

    La censure est bien réelle, il n'y a pas en France comme dans d'autres pays de correspondants de guerre attitrés, jusqu'en fin 1917. Les auteurs des brèves les signent mais ils savent qu'ils doivent d'eux-mêmes pratiquer une auto censure et surtout présenter les évènements de façon à ce qu'ils remontent le moral des lecteurs et des soldats. Ainsi lorsqu'un évènement fâcheux survient, il est nettement minoré et si possible passé sous silence.

    Quand le Bouvet (709 hommes à bord) saute sur une mine dans les Dardanelles, une simple phrase mentionne la tragédie. Il est vrai que lorsque celle-ci aura été "digérée" quelques semaines plus tard, l'Illustration décrira son agonie, avec photos. Mais sur le front terrible du nord-est par exemple, les nombreuses victoires et défaites ne seront relatées qu'à sens unique. Quant une colline aura fait l'objet d'un grand nombre de conquêtes nous l'apprendrons à chaque fois, mais il est clair que si ces nouvelles conquêtes ont dû été entreprises, c'est parce qu'il y a eu entre temps autant de reprises par l'ennemi!

Ce que l'on va pouvoir découvrir dans toutes les pages qui suivent est donc ce qui a été donné à voir et à savoir à la France et ses alliés, c'est l'intérêt de ce site, ensemble de textes et photos patriotiquement corrects. Toutes ses pages accessibles par simple clic sont la stricte reproduction de la totalité des pages ou parties de pages de l'hebdomadaire qui évoquent l'opération des Dardanelles entre le 27 février 1915 et le 15 janvier 1916.

Ce qui a été relaté par  Albert  Londres

Albert Londres avait débuté comme échotier, principalement des débats du Parlement, durant une dizaine d'années. Il a 30 ans lorsqu'au tout début de la guerre en 1914, il a révélé son talent en décrivant l'agonie de la cathédrale de Reims. Après quelques mois de reportages réussis sur les fronts de l'est et du nord, il a souhaité prendre la large, l'occasion s'est offerte avec l'offensive franco anglaise qui devait en quelques semaines forcer les détroits, réduire Constantinople (et la Turquie) à la merci et joindre nos alliés russes en mer Noire.

Il n'a pas assisté aux bombardements fin février. Parti début mars, il n'a pu, avec des moyens de transport très problématiques, n'arriver sur place que le lendemain de la déroute navale du 18 mars et n'a été témoin que des débarquements du 25 avril. Sa relation des combats des Dardanelles est perçue comme étant son premier grand reportage, elle laissera cependant le lecteur sur sa faim. Son style est bien là, mais c'est le sujet qui est mince. Une guerre de tranchées immobile sur quelques kilomètres carrés, quelques attaques repoussées, des salves d'artillerie sporadiques, pas de quoi concurrencer en nombre de pages "Guerre et Paix".

On aura donc quelques courts textes dans son style si caractéristique mais avec l'obligation de retenue dûe à Anastasie (nom de la censure). D'abord une relation en direct, en se glissant dans un canot, du débarquement-rembarquement en 24 heures des Français côté Asie le 25 avril. Il part alors en Grèce Serbie, grand théâtre d'opérations qui s'ouvrait. Il revient pour débarquer à Seddul-Bahr et décrire pendant quelques journées le quotidien des soldats confinés sur un espace minuscule. En tout deux fois huit pages. Il retourne alors dans les Balkans pour s'y "établir" de longs mois.

Lorsqu'à mi-1917 la France se dota d'un réseau de correspondants de guerre attitrés, Albert Londres en fit partie. Il écrivit alors un nouveau texte sur cette guerre sous le titre "l'enfer des Dardanelles" avec une plume moins contrainte du fait de l'éloignement temporel des évènements, en dénonçant sans ambages une guerre ratée et meurtrière.

Bien entendu de nombreux documents ont été écrits, par la suite, par des historiens disposant d'informations plus objectives et dénonçant pour la plupart l'échec complet de cette entreprise anglo-française, son impréparation et un massacre inutile.


Lecture des articles hebdomadaires du journal l'Illustration" :

1ère partie : "L'Illustration" de février à avril 1915 - n° 3756 à 3766

2ème partie : "L'Illustration" de mai à décembre 1915 - n° 3767 à 3802


Deux feuilletons de l'Illustration par des écrivains célèbres :

"Suprêmes visions d'Orient" - texte de Pierre Loti - 13 pages dans 6 numéros juin-juillet 1915

"Nos Marins aux Dardanelles" - texte d'Emile Vedel sur 4 numéros (17 pages) de janvier à mars 1916

Récit du débarquement des fantassins et fusiliers marins français presqu'île de Gallipoli


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